Rully, Autun, Grand Séminaire et… aujourd’hui ?…

En 1962, les prêtres retirés du ministère, parce que trop âgés, allaient à la maison Saint-Michel à Rully.

retraite1« C’est à Rully, dans le château légué par Mme Coin à Monseigneur Berthoin et dont hérita le chanoine Piffaut, que le premier supérieur de la maison, le chanoine Tramaud, accueillit, en septembre 1923, 7 prêtres dont 4 de notre diocèse, 2 de la Côte-d’Or et 1 de la Nièvre.

Le deuxième supérieur entra en fonctions le 10 janvier 1930. M. le Chanoine Mazoyer détient le record de la durée puisqu’il resta en place près de 40 ans. Aidé par Monseigneur Duménil, il agrandit et entretient la maison en bon père de famille.

Monseigneur Vachot prit la relève en 1968. Il lui revint l’honneur d’accueillir les derniers retraités à Saint-Michel et surtout il eut la fatigue de préparer le déménagement de cette maison qui a vu séjourner dans ses murs, en un demi-siècle, 183 confrères qui tous bénéficièrent du dévouement inlassable des religieuses de Chauffailles. »

Eglise d’Autun,  janvier 1974

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En 1974, la maison de retraite des prêtres du diocèse se déplace donc à Autun, dans l’ancien grand séminaire, réaménagé pour les accueillir.

En retraite à la Maison Saint-Antoine

« Je suis simplement depuis 18 ans à la Maison Saint-Antoine.

Quand j’y suis arrivé, c’était une maison de retraite destinée aux prêtres âgés et à leurs aides au prêtre. On ne se bousculait pas pour y venir : la réputation de la maison laissait à désirer. Du reste il apparaît que les prêtres officiellement « en retraite » souhaitent pouvoir rendre encore quelques services « à la demande » aussi longtemps que cela leur sera possible, tout en étant déchargés d’une responsabilité pastorale et on les comprend : à Autun ce n’était guère possible.

La Maison Saint-Antoine a connu bien des changements, accueil de laïcs, départ des religieuses, changements de directeurs, changements de statut surtout. Elle est devenue « EHPAD », comprenez : « Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes ». L’Association diocésaine qui avait négocié cette transformation a estimé par la suite n’être pas habilitée à gérer un établissement de cette nature ce qui a entraîné la vente de la Maison à la société DOMUSVI, négociée en 2008, finalisée le 7 décembre 2011. Le statut EHPAD offre les avantages d’une maison médicalisée mais les frais d’hébergement sont élevés. L’Association diocésaine fait en sorte que les prêtres puissent payer leur pension. Actuellement ils sont 15 dans une maison qui accueille 48 pensionnaires dont plusieurs anciennes aides au prêtre qui ont survécu à leur employeur ! Mais aussi d’autres personnes plus ou moins proches de l’Eglise, plus ou moins dépendantes.retraite2

Il est évident qu’aujourd’hui ne viennent à la « Résidence Saint-Antoine » que des prêtres « dépendants », certains atteints de cécité, de surdité, d’autres souffrant de la maladie d’Alzheimer et semblant avoir oublié leur sacerdoce. Sur les 15 confrères, 4 seulement sont en mesure de présider la concélébration quotidienne. Certains n’y participent pratiquement plus ou très rarement. L’animation spirituelle est difficile, la communauté célébrante s’amenuise… Avec les malades la communication est difficile.

Difficile de savoir ce qui se passe dans le cœur des prêtres âgés. Espoir pourtant de savoir qu’ils ont livré leur vie au Seigneur et persévèrent dans ce don qu’ils ne peuvent plus exprimer ».

Père Gérard Dufour

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Actuellement, en 2012, 53 autres prêtres retraités logent dans d’autres résidences ou foyers-logements ou maisons de retraite des différentes villes du département, voire d’autres départements.

La retraite en résidence

Témoignage de Maurice Roberjot avant un Conseil presbytéral réfléchissant sur l’avenir des prêtres âgés

Demande de la mise à la retraite le 12 décembre 2006

Premier motif :

L’âge et la santé : je n’étais plus assez sûr de moi pour pouvoir assurer régulièrement un service à l’heure fixée.

Deuxième motif :

Après plus de cinquante ans de ministère « public », j’aspirais à vivre un peu la vie de Nazareth. Vivre comme tout le monde, comme des gens simples, vivre ma vie de baptisé.

Troisième motif :

Nécessité de faire le point pour me préparer à la rencontre de Dieu, des autres, de moi-même et du monde dans lequel nous vivons.

retraite3Entrée à la résidence le 1er janvier 2001

Je pensais louer un petit appartement dans une ZUP (la famille faisait la grimace, vu mon état de santé). Gérard Godot, mon curé à ce moment-là, m’a proposé de rester sur place à Saint-Rémy en demandant un logement à la résidence, me disant qu’il me chargeait d’une présence à ceux qui ne venaient pas à l’église.

Le choix de l’entrée à la résidence

Accueil très réservé des résidents : ils me l’ont dit après, mais je l’avais senti (peur du curé, supérieur, juge, moraliste).

Mais le choc a été aussi plus à l’intérieur de moi-même, bien que j’ai désiré  cette vie : le fait de jeter mes livres et mes notes (il n’y avait pas de place dans une pièce unique de 36 mètres carrés) ; le fait de ne plus présider de célébrations, de réunions, de ne plus être attendu comme utile quelque part, tous ces renoncements ont produits chez moi un choc et ont été pour moi une libération. Vide de beaucoup de choses, d’idées, d’actions : je pouvais un peu mieux connaître ce que le Seigneur attendait de moi (Michel Serres dit qu’il faut s’attendre à l’inattendu). Ce qui pour moi a été une renonciation est devenu une annonciation. Il fallait me préparer à une nouvelle vie, à un nouveau ministère.

Conforté par un double flash

Dans les premiers jours de ma retraite dans ma résidence de personnes âgées, je suis entrée dans la chapelle voisine : une personne vaquait au ménage, une autre se précipitait pour mette un cierge à Sainte Thérèse et moi j’étais là à contempler le tabernacle et sa petite lampe rouge. A contempler ce bout d’hostie qu’on avait mis au placard, qu’on sortait quand on avait besoin, ou devant qui on passait sans faire attention et qui était là et qui me disait : « Toi, fais attention, j’ai une lumière à t’apporter »  .

Et comme dans un flash, je me suis vu moi aussi au placard à la résidence, sans enseignement, sans présidence, sans reconnaissance et me disant qu’une nouvelle mutation de Jésus-Christ commençait pour moi. Je me suis dit que j’avais à le suivre dans ce retrait, cette pauvreté, mais avec cette présence humble et active, symbolisée par cette lampe rouge allumée : toujours disponible, toujours prêt à ouvrir ma porte, toujours brûlant du feu de l’amour et du Seigneur.

Le second flash a été de voir toutes ces figures de gens que je connaissais bien, eux aussi un peu mis au placard et à qui j’avais à apporter un peu de lumière et à recevoir la leur, même si elle était parfois un peu cachée.

Ce sont par exemple ceux et celles à qui ont fait peu attention à la résidence ou qu’on aborde peu parce que non recommandables. Ce sont les handicapés rivés chez eux ainsi que les membres de la famille qui s’en occupent. Ce sont les copains de la pétanque qui n’ont comme moyen de déplacement qu’une mobylette, ou même parfois qu’un vélo, parce qu’ils n’ont jamais eu assez d’argent pour s’acheter une voiture ou de possibilités pour apprendre à conduire ou encore qu’ils se sont fait retirer leur permis pour cause d’alcoolisme. J’aurai toujours les yeux et à agrandir la vie.

Ma vie concrète

1. Présence à la résidence

– Visites de ceux et celles qui sont dans la solitude : dépannage de petits travaux matériels, courses à la pharmacie ou ailleurs, conduite à la messe le samedi.

– J’essaie aussi de recevoir à dîner une ou deux fois par semaine.

– Beaucoup viennent me voir, surtout les hommes : ils ne se gênent pas parce qu’ils savent que  j’ai le temps.

2. Visite des malades deux après-midi par semaine : j’ai été surpris du nombre de copains qui sont rivés chez eux avec leur femme atteinte de la maladie d’Alzheimer.

3. La pétanque, deux ou trois fois par semaine où je rencontre des gens simples qui me font découvrir concrètement leurs soucis, leur joie, leur rudesse, mais aussi leur affection. Pour moi, une découverte alors que je venais de passer dix ans dans le même quartier sans les rencontrer vraiment.

4. Quelques remplacements pour culte ou confé-rence : je suis heureux de le faire, mais je ne le cherche pas.

5. J’essaie de réserver deux heures, chaque jour, à la prière et deux heures d’études et de lecture. Ce n’est plus pour moi une obligation, mais une détente et une joie…

retraite4Oser dire que je suis heureux ou mieux : dans la joie.

Ce n’est pas facile de dire « qu’on est heureux » quand on sait que les autres prêtres sont débordés. N’est-ce pas la tentation d’une petite vie tranquille ? Alors que la vie des vieux n’est jamais tranquille. Comment oser dire qu’on est heureux quand il y a dans le monde tant de violence et de souffrances ? Comment oser dire que je suis heureux quand  l’Eglise est en difficulté ?

La lecture du livre de Lytha Basset « La joie imprenable » m’a aidé à surmonter cette gêne. Commentant la parabole du père et des deux fils, elle montre comment, à l’exemple du père qui a échoué dans l’éducation de ses enfants, du fils cadet qui a fauté et du fils aîné frustré, Dieu nous appelle à traverser nos échecs, nos fautes, nos frustrations pour arriver à cette joie qu’il nous a promise.

Sans s’évader du souci de ceux qui sont dans les difficultés et la peine : je sais qu’ils sont promis à la même joie que moi. J’aimerais que dans le Credo du dimanche il y ait cette phrase de Lytha Basset : « je crois que je suis destiné sur cette terre à la joie dont parlait Jésus ».

En conclusion

Vous êtes appelés à prendre des décisions sur les conditions de vie matérielle des prêtres âgés. C’est important et nécessaire, mais n’oubliez pas l’accompagnement humain et spirituel qui est encore plus urgent et réalisable tout de suite.

Pendant toute ma vie apostolique, j’ai beaucoup été aidé par des frères prêtres, par des rencontres ou réunions, pour vivre ma vie d’apôtre. Mais je pense que nous avons eu beaucoup trop de pudeur pour nous aider dans notre vie de disciples de Jésus-Christ. Quand il n’y a presque plus d’activités apostoliques, la vie spirituelle prend beaucoup plus d’importance. Un copain prêtre à la retraite me disait : « Quand je laisse tomber l’oraison, la méditation, je deviens un vieux grognon, aigri ».

Vous allez demain aborder le problème des vocations, aidez-nous à vieillir dans la paix et la joie, n’est-ce pas le meilleur témoignage que nous pouvons donner aux jeunes qui s’engagent à notre suite.

Jean Maurice Roberjot