Une flamme déclarée à Cluny

A tous les Clunisois, à tous les Clunisiens, à tous les citoyens du monde qui vivez sur les mêmes chemins clunisiens.

Mon Cluny, c’est avant tout ma terre natale, celle de mes ancêtres qui, dans le service et l’honneur, ont participé à son histoire.

C’est notre vieille maison de famille où, en plus de trois cents ans, les générations se sont succédé. C’est le lieu de nos vacances enchantées au cours desquelles, en longues promenades, notre père nous faisait découvrir les beautés d’alentour. C’est le jardin, véritable paradis, où les arbres plantés en hautes circonstances évoquaient les souvenirs (communions, fiançailles, arbre de l’armistice) et où les fruitiers échelonnaient leurs produits tout au long de l’été. Jardins aux allées et aux parterres savamment dessinés qui nous faisaient jouir de l’abondance de fleurs, où butinaient les abeilles et valsaient les papillons.

cluny1Cluny est la terre que j’ai véritablement épousée et à laquelle, après les épreuves de la guerre, je me suis donnée dans une profession absorbant mes énergies et comblant toute ma vie.
Cluny est tout ce que je porte en moi : intériorité du cœur, moelle de mes os, air que je respire au quotidien, éblouissement de mon regard. Il sera bientôt le berceau où à jamais je reposerai.
Bien avant moi, Cluny, d’autres t’ont connue. Peux-tu assouvir notre curiosité, nous révéler la morphologie du site au temps de la préhistoire ? Les ours des cavernes d’Azé ont-ils piétiné ton sol ? Les chevaux de Solutré en quelques galops sont-ils venus te saluer ? Traçant les voies d’accès aux contrées attirantes en direction du nord, les envahisseurs romains en leurs villas savouraient sans aucun doute le charme de ce lieu.

Siècle après siècle, qu’as-tu vécu des combats de seigneurs envieux ? Combien de vies (végétales, animales, humaines) imprègnent ton sol ? Nous demeurons incertains et rêveurs avant de nous appuyer sur la mémoire de l’Abbaye dont nous fêtons, en cette année 2010, le onzième centenaire. L’arrivée des moines pacificateurs et hautement protégés, dont les grands Abbés firent le renom du lieu dix siècles durant, a conditionné l’avenir de Cluny en faisant retentir son nom dans toute l’Europe et au-delà. « PAX » était leur devise, la cité en reste marquée malgré les déchirures du temps (révolution, guerres, déportation). Cependant, comme prémunis par les emblèmes de notre Abbaye, nous demeurons silencieux, contemplant la clef de voûte de l’église abbatiale et les armoiries de ses portes afin d’en recueillir l’enseignement constant, permanent, laissé par ses fondateurs.

L’agneau portant la croix : paix évoquée par l’agneau, croix signe de déchirements, d’écartèlements. Les armoiries de ses portes : les clés de Pierre donnant accès au Royaume encadrant l’épée de Paul, signes de combats et de luttes.

Telle est notre vie, telle est notre espérance, car la vie sans cesse renaît, les vagues se renouvellent, les saisons, les générations…
Le nom de Cluny, répandu à travers le monde, l’est encore avec l’aventure audacieuse d’une Bourguignonne, Anne-Marie Javouhey, dont la congrégation de Saint-Joseph-de-Cluny porte depuis plus de deux siècles le message de paix et d’hospitalité propre à l’idéal clunisien, par l’enseignement répandu dans leurs écoles et l’hospitalité offerte dans dispensaires et hôpitaux à travers le monde, après avoir œuvré à la libération des esclaves.

Qui maintenant ne connaît Taizé, véritable surgeon de Cluny ? L’œcuménisme y préside de belles liturgies et me rend assoiffée, songeant à l’architecture de nos églises romanes dont les voûtes convergent vers le même centre. J’aspire à ce que nos chemins se rejoignent en même plénitude. L’ouverture au monde, la tolérance, la paix, éléments fondamentaux, caractères dominants de l’Abbaye de Cluny sont maintenant répandus à travers le monde par des milliers de jeunes venant des cinq continents. Ils se rassemblent et se ressourcent sur la colline voisine, tandis que des frères vont porter un ferment d’espérance aux démunis en divers pays du globe.

L’enseignement dispensé jadis par les moines aux enfants de Cluny et aux candidats à la vie monastique se poursuit dans les mêmes murs par « l’Ecole Nationale Supérieure d’Ingénieurs Arts et Métiers » dont le savoir se diffuse ensuite à travers le monde.cluny2

Toujours flux et reflux avec les visiteurs attirés par la réputation de Cluny sachant en reconnaître le bien-fondé, beauté de la campagne environnante avec ses collines ondulantes dont la douceur nous séduit sous la lumière vespérale particulière aux lieux. Richesse de son sol aux pâtures gloutonnement broutées par les troupeaux de blancs « charolais ». Belle ordonnance des vignes qui, de fierté, rougissent en automne par la célébrité de leurs crus. Cultures de toutes sortes apportant suivant la saison, saveur, odeur et couleur de leurs récoltes. Richesse de nos bois, de nos rivières, de nos villages aux petites églises romanes incomparables. Je n’en finirai pas ! Mais cependant il n’est pas possible d’achever ce message sans dire que les visiteurs sont également séduits par la gentillesse de la population et notamment par celles des commerçants. Cluny, je me sens tellement unie à toi que j’en éprouve une vraie fierté.

Puis-je me faire pardonner cette déclaration d’Amour impudique sans doute, car l’amour implique intimité et secret. Avec l’usure de l’âge, les choses s’émoussent et rien ne résiste !
Mon bien-aimé Cluny, depuis longtemps je ne m’appartiens plus. N’est-ce pas toi qui m’as appris que tout recevoir et tout donner était gage de bonheur ?

Marie-Angély Rebillard – Cluny, 19 juin 2010

PS. Il me plaît de penser qu’à l’origine Cluny est l’objet d’un don de Guillaume d’Aquitaine remettant cette terre entre les mains des moines afin de compenser ses erreurs humaines.

Puisse Cluny rester marqué de générosité et de vérité !

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L’église Notre Dame

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Maison du moyen-âge