Engagements du diocèse d’Autun proposés par les chrétiens de Saône-et-Loire et promulgués par l’Evêque d’Autun, Chalon, Mâcon, à Taizé le 1er octobre 1995

Tout au long de leur histoire, les chrétiens ont partagé le souci de Dieu pour les pauvres et les exclus. Du moins ont-ils voulu le faire ! Du moins auraient-ils dû le faire !
Ils prient les psaumes, ces prières de l’Ancien Testa-ment qui font monter vers Dieu le cri des pauvres. « Un pauvre a crié, Dieu l’écoute et l’exauce ».
Ils se souviennent de Jésus de Nazareth convoquant « les pauvres, les estropiés, les boiteux, les aveugles » et les conduisant au festin du Royaume.
Ils se reconnaissent dans le geste du partage : partage de la parole qui transfigure l’homme et qui transforme la société, partage du pain de tous les jours et du pain eucharistique. Ceux qui ont vécu le partage avec des démunis témoignent qu’ils ont davantage reçu que donné.
Ici en Saône-et-Loire, en cette fin du vingtième siècle, ils veulent être attentifs à quatre formes de pauvreté et d’exclusion : la pauvreté économique et le chômage, la maladie, la solitude, la condition de l’étranger.
Durant ces dernières années, les chrétiens de Saône-et-Loire se sont fixé quatre attitudes face à la pauvreté et l’exclusion :
Voir où sont les responsabilités : il y a des responsa-bilités individuelles, mais tout autant et même davan-tage, il y a des responsabilités collectives, des « struc-tures de péché » selon l’expression de Jean-Paul II.
Changer la société est aussi important que d’assurer les assistances imposées par l’urgence. Les pauvres sont victimes plus que responsables.
Ne pas juger, mais écouter et accueillir : résoudre un problème, c’est bien ; accueillir un homme et l’écouter, c’est mieux, mais l’un ne va pas sans l’autre.
Donner de l’argent, c’est bien, donner son temps, c’est mieux, mais l’un ne va pas sans l’autre. Pauvreté et exclusion se résolvent aussi dans une relation person-nelle.
Avoir l’obsession d’une juste répartition des biens : les chrétiens de Saône-et-Loire ont adopté, et même plé-biscité, cette phrase de saint Ambroise :
« La terre est pour tous. Pourquoi gardez-vous pour vous seuls, riches, les biens qu’elle produit ? ».
Croire en la résurrection : la résurrection qui n’est pas seulement un évènement passé, mais qui est aujour-d’hui la volonté partagée avec Dieu que tout homme soit vivant, vraiment vivant, et qu’aucun ne soit oublié, marginalisé, abandonné au bord du chemin de la vie.
Les chrétiens de Saône-et-Loire veulent rejoindre tous les hommes de bonne volonté dans cette lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Ils veulent poursuivre une col-laboration déjà ancienne. Ils veulent être solidaires des pauvres et des exclus ; ils veulent l’être également de ceux qui refusent la pauvreté et l’exclusion. Le combat est le même : le combat pour l’homme. Dans ce combat pour l’homme, ils sont attentifs aux conséquences futures des actes posés aujourd’hui, et préparent ainsi l’avenir.

Ecouter, accueillir

1 – L’écoute est une urgence dans le monde actuel. Beaucoup de gens, hommes, femmes et enfants, parti-cipent à cette écoute dans des organisations ou associations. L’Eglise de Saône-et-Loire reconnaît l’importance de ces actions et encourage les chrétiens à y prendre place. D’autre part, le ministère d’écoute et d’accueil de l’Eglise est une tâche importante pour elle. L’Eglise créera, si nécessaire, des lieux propres à sa mission pour vivre cette écoute et cet accueil.
2 – On veillera à la création et à l’animation de mai-sons paroissiales agréables, de lieux divers et d’églises ouvertes à tous ceux qui passent, et où chacun sera accueilli et écouté par des personnes attentives et for-mées.
3 – Ecouter est naturel pour certains, plus difficile pour d’autres. Il est nécessaire d’apprendre à saisir ce qui est important. Des formations permettront de faire l’apprentissage de cette écoute et d’un véritable accom-pagnement spirituel, lorsqu’il y a demande.
4 – Dans la tradition chrétienne, le vendredi est aussi un jour de partage. Sous des formes diverses, les chré-tiens seront invités à vivre, ce jour-là en particulier une démarche de solidarité.
5 – Le temps des vacances est la période que les pauvres vivent le plus mal. On veillera à ce que ne soient pas fermés tous les lieux qui les aident à vivre.

Prendre le parti

6 – L’Eglise proclamera haut et fort, à temps et à contre-temps, que l’économie est au service de l’homme.
Pour permettre aux chrétiens une meilleure informa-tion et un regard critique plus aiguisé, pour comprendre ou imaginer les solutions possibles à la pauvreté, une formation Doctrine Sociale de l’Eglise sera mise en place dans le diocèse.
7 – Une rubrique « Solidarité » sera ouverte dans le Bulletin Diocésain, dans les Bulletins Paroissiaux ou de secteurs, et à la Radio Diocésaine, marquant ainsi le choix prioritaire pour les pauvres. Cette rubrique révè-lera les signes d’espérance, combattant ainsi le décou-ragement et le pessimisme, et donnera la parole aux exclus et aux témoins de l’exclusion.

S’organiser

8 – Le Conseil Diocésain de la Solidarité sera recons-titué. Il s’entourera de personnes compétentes recon-nues. Il assurera des rencontres régulières entre les associations et les services caritatifs ou humanitaires du diocèse. Il provoquera des rencontres lorsque des évènements le demanderont. Il accueillera et écoutera, il pourra dire une parole forte ou faire une mise au point. Il veillera à la mise en oeuvre et au suivi des décisions proclamées le 1er octobre 1995.
9 – Toute organisation qui n’a pas d’implications fi-nancières reste théorique. L’Eglise de Saône-et-Loire verse déjà 1 % de son budget pour l’aide à des Eglises plus pauvres. Chaque paroisse, secteur ou mouvement créera un fonds de solidarité. Celui-ci permettra de soutenir des actions de solidarité – pas seulement lo-cales – et éventuellement de faire face à des urgences. En règle générale, il sera préférable de soutenir des associations ou groupements. Ceux-ci garantissent, plus que les individus, une continuité dans l’action.
10 – Compte tenu de la diminution du nombre de prêtres, le risque est grand de les nommer tous en Pa-roisse. Le diocèse veillera à ce que d’autres ministères demeurent ou soient inventés : prêtres-ouvriers, pré-sence aux migrants, Secours Catholique, Bouge ta Galère, etc…
11 – Dans chaque secteur, le diaconat sera promu, et des hommes interpellés pour l’ordination. Le diaconat est, en effet, le signe sacramentel de l’Eglise « servante des pauvres ».
12 – Durant la formation des séminaristes, des temps de présence aux pauvres, des temps de réflexion sur les causes et les mécanismes économiques en jeu seront prévus, en lien avec les responsables des divers lieux de formation.
13 – Dans les secteurs ou grandes paroisses, on fera l’effort de connaître et d’entrer en relation régulière avec tous les services et organisations déjà existants. On pourra ainsi se relayer et collaborer pour détecter les solitudes, les misères, et lutter contre leurs causes.
14 – Les secteurs pastoraux, les zones pastorales, les services et mouvements auront le souci d’organiser et de promouvoir, en partenariat avec les pauvres, des rencontres et des fêtes.
15 – Dans le monde, un certain nombre d’actions de lutte contre la pauvreté existent déjà. Des chrétiens, avec d’autres, y sont engagés. Ils ont besoin d’un lieu où leur action soit reconnue, prise en compte dans l’Eglise, relue au regard de la foi, et puisse trouver tout son sens. C’est le rôle des Mouvements d’Action Catho-lique, que le diocèse soutiendra en prenant les moyens de les faire exister, notamment en nommant des prêtres aumôniers, et en finançant des permanents laïques au service de ces mouvements.
16 – Chaque organisme d’Eglise aura la volonté de la clarté financière en publiant un « état des lieux » de son patrimoine et de sa gestion. Il sera soucieux de s’asso-cier aux actions de solidarité concertées en église.
17 – Pour permettre à l’Eglise Diocésaine de vivre et de réaliser ses projets, la solidarité financière par le Denier de l’Eglise devra être expliquée et développée.

Chômage et pauvreté économique

18 – Des chrétiens sont engagés, avec d’autres, dans des organisations luttant pour la promotion de l’homme et de la femme, dans le respect de la justice et de l’égalité : organisations politiques, syndicales, sociales, associatives, qu’elles soient confessionnelles ou non, en ville ou en milieu rural. L’Eglise de Saône-et-Loire encouragera tous les chrétiens à s’y impliquer. Ceux-ci auront le souci constant d’interpeller ces organisations pour que les exclus puissent y prendre leur place.
19 – Une réflexion sera conduite dans le diocèse sur l’utilisation évangélique de l’argent. L’Eglise Diocésaine fera appel à des personnes ou organismes compétents pour informer sur la manière de gérer l’argent selon les critères de moralité et de solidarité.
20 – L’Eglise de France veut donner un signe de ca-tholicité à sa solidarité nationale et internationale. Pour ce faire, elle privilégie, au cours de l’année, trois pé-riodes d’information, formation et collecte, sous la responsabilité de trois organismes membres du Conseil National de la Solidarité. Il s’agit :
– de la mission dans le monde, sous la responsabilité de la Coopération Missionnaire
– de la solidarité nationale et internationale, dans le cadre de la journée nationale du Secours Catholique
– des liens entre la France et le Tiers-monde, avec le CCFD pendant le Carême.
L’Eglise réaffirme l’importance de ces trois temps forts. Cette triple démarche est distincte des autres démarches locales ou individuelles que tout groupe d’Eglise et tout chrétien peut faire, par ailleurs, au sein d’organismes confessionnels ou non.
21 – La terre est à tous. Les chrétiens veilleront à prendre conscience que les situations de pauvreté sont les mêmes partout dans le monde, et touchent une grande part de la population mondiale.
22 – L’Eglise de Saône-et-Loire réaffirme son atta-chement à la possibilité pour tous de se soigner.
Elle invite donc tous ses membres à s’engager dans les recherches d’un système de protection sociale qui, en organisant mieux la solidarité, garantira davantage les soins aux plus démunis.

La maladie

23 – La maladie isole la personne et rompt les rela-tions. Elle est le lieu de l’épreuve, et révèle à l’homme sa pauvreté. Elle suscite des appels à un accompagne-ment dans la durée.
C’est pourquoi l’Eglise Diocésaine proposera aux au-môneries d’hôpitaux et de cliniques des moyens sérieux de formation pour acquérir les compétences nécessaires à cet accompagnement. Elle encouragera également les secteurs pastoraux à assurer le Service Evangélique des Malades.
24 – La souffrance psychologique, les handicaps lourds, la fin de la vie sont des lieux particuliers de grande détresse. Des bénévoles se risquent dans des visites et un accompagnement. L’Eglise Diocésaine s’engagera à soutenir des formations adaptées et des rencontres pour permettre aux bénévoles d’évaluer entre eux leur action.
25 – L’Eglise Diocésaine aura le souci de reconnaître et de favoriser les relations privilégiées qui peuvent exister entre malades – relations personnelles ou orga-nisées. Pour cela, elle sera attentive à tout ce qui se vit déjà grâce aux associations. Elle veillera également au soutien et au développement de mouvements et groupes chrétiens de malades.
26 – Pour que les personnes concernées par la maladie – la leur ou celle des autres – connaissent les services, lieux d’écoute, de parole ou d’aide dont ils ont besoin (associations, aumôneries, services des malades, etc.), un dépliant d’information donnant des références pré-cises sera mis à leur disposition chez les professionnels de la santé et en divers lieux publics.
27 – Les chrétiens, et en particulier les personnels de santé, sont invités à se laisser interpeller par les grands défis qui marquent le monde de la santé : défis éthiques, économiques, techniques, relationnels ou autres. La qualité de leur action en dépend.

La solitude, la famille

28 – Les communautés chrétiennes auront le souci de toutes les personnes souffrant de solitude. Elles essaie-ront de les mettre en relation avec des personnes ou organisations permettant de rompre cette solitude.
29 – Dans les mouvements, la catéchèse et les célébrations, les communautés chrétiennes sauront accueillir les enfants qui vivent de situations familiales sociales ou mentales difficiles. Elles respecteront leurs valeurs, leurs richesses, leurs modes d’expression.
30 – Les communautés chrétiennes reconnaîtront ce qui se réalise déjà avec les enfants en difficulté, par exemple l’aide aux devoirs, la lutte contre l’illettrisme, l’action des associations de parents d’élèves, etc. Elles inviteront les chrétiens à y participer, en gardant le souci de permettre à des enfants défavorisés de rencontrer des enfants plus favorisés.
31 – Une recherche déjà ancienne montre que notre Eglise Diocésaine est attentive aux divorcés, remariés ou non. Aujourd’hui, un groupe de baptisés-divorcés-remariés se retrouve chaque année pour une journée de réflexion et de partage en Eglise. Aujourd’hui, d’autres participent à la vie de l’Eglise. Cette recherche, cet accueil sont des signes d’espérance. Ils sont à pour-suivre, conformément à la demande insistante du Pape dans sa lettre Familiaris Consortio.
32 – La communauté chrétienne se doit de transmettre une parole à l’adresse des familles. Parole prononcée au moment de l’éducation affective des jeunes, parole échangée dans la préparation des couples au mariage, dans les préparations au baptême, et parole nécessaire aux heures de difficultés.

L’étranger : chez nous, chez lui

33 – Les chrétiens de Saône-et-Loire n’oublieront ja-mais que « la solidarité est universelle ou elle n’est pas ». C’est pourquoi ils sauront rappeler, quand il est néces-saire, combien tous les hommes et tous les pays dépen-dent les uns des autres. Pour les chrétiens, toute forme de racisme doit être fermement combattue.
34 – Les communautés chrétiennes sont héritières d’une tradition enracinée au temps où leurs pères ont vécu « en étrangers au pays d’Egypte ». Pour cette raison, le droit d’asile est, pour elles, une valeur fondamentale.
35 – Dans notre diocèse, les communautés chrétiennes auront à coeur d’accueillir l’étranger selon l’esprit biblique et l’enseignement constant de l’Eglise Catholique. Dans les résolutions finales d’une récente rencontre (Munich, 1994) suscitée par le Conseil Pontifical pour la Pastorale des migrations, on peut lire ceci : « il n’y a pas d’exclus ou d’illégaux en Eglise (…). Pour elle, l’histoire des hommes à un sens : celui de la réconciliation des hommes entre eux, acquise en Jésus-Christ. C’est pourquoi la situation des illégaux, de ces exclus du droit, constitue pour elle un défi à relever. C’est son identité, sa mission de crédibilité qui sont en jeu. »
36 – Pour que les chrétiens venus de l’immigration puissent prendre place dans l’Eglise, le diocèse accueil-lera l’expression de leur foi et proposera une formation adaptée à leur culture ou à leur vision des choses. S’ils participent aux Conseils Pastoraux ou aux Equipes d’Animation Pastorale, ils seront invités, deux per-sonnes par ethnie, et ils seront soutenus dans leur parti-cipation.
37 – Dans les principaux lieux d’immigration du dio-cèse, on célébrera, de temps à autre, une messe ou une « fête des peuples » où seront pris en compte les appels à vivre une vraie fraternité, signe que l’Eglise peut et doit donner.
38 – Des chrétiens habitent dans des quartiers diffi-ciles ou de grande concentration humaine. Pour cer-tains, c’est une obligation ; d’autres ont fait ce choix par solidarité. Leur présence est importante. Le diocèse lancera un appel permanent aux chrétiens pour que certains d’entre eux acceptent d’être signes d’Eglise dans ces quartiers, et veillera à les soutenir dans leur démarche.
39 – La solidarité entre Eglises est importante. L’échange dans les deux sens est source de richesses données et accueillies. Le Diocèse aura le souci de l’appel aux vocations missionnaires chez les laïcs, les religieux (ses), et les prêtres. En sens inverse, il conti-nuera d’accueillir les prêtres venus, pour un temps, d’autres continents.
40 – Le dialogue interreligieux sera encouragé.