discoursVoici un discours de mariage lu par M. le Maire, rapporté par le père Jean-Marie Fernez, curé de Bray qui le tenait d’un copain des Chantiers de Jeunesse…

Après les paroles officieuses et réglementaires que j’viens d’prononcer d’vant vous, je n’veux pas vous laisser partir sans en articuler d’autres, d’une rigidité plus délicate, j’veux dire d’une mollesse plus caressante si ben d’la circonstance en ce jour solennel.

D’puis vous avez comparu d’vant ma personnalité, investie des pouvoirs adéquats et susceptibles de procéder à la réunion de deux individus, j’vous considère comme deux conjoints, et j’suis fier d’en être l’auteur, attendu qu’en j’suis un moi-même d’puis plus trente ans, et que j’ai jamais eu à m’en plaindre.

 Le mariage, comme dit si bien M. Larousse, l’écrivain bien connu, dans l’dictionnaire que m’a prêté l’instituteur, c’est la réunion de deux sexes différents qui s’appuient l’un sur l’autre pour écarter les difficultés de l’existence… Vous allez ch’miner, désormais, à partir de dorénavant, à travers le sentier bordé d’roses et d’épines que mène à la vieillesse heureuse, à la vieillesse qui vous fait dire, quand on est vieux, avec une joie que n’a d’égale que celle qu’on a en pareil cas :
« J’vas mourir … mais j’ai bien vécu …bon d’là… »

Pour y arriver, encor’ faut’y savouer écarter les obstacles parasitaires que sont pour l’pas d’l’homme que débute dans la vie c’q’est l’ornière du ch’min à la patte du veau en bas âge qu’on mène à l’abrevouer pour la première fois. Faut-y avouer la volonté de c’qu’on veut pour pouvoir faire c’qu’on peut.

 Y n’faut point oublier qu’vous d’vez v’nir ici souvent pour coucher sur l’registre d’l’état civil les enfants qu’vous n’manquerez point d’mettre au monde et que sont faits pour perpétuer la race des destinées qui, comme vous, s’ouvrent un ch’min vers l’bonheur et la félicité en s’tenant dans les bras l’un de l’autre pour éviter d’faire des faux pas : l’Amour, avec une H majuscule, y est encor’, arrié, la plus belle institution d’la République, bon d’là !

Vous, la jeune épousée, vot’mère respectable et en larmes vous donnera c’souer les conseils d’usage, en attendant qu’vot’époux vous ouvre toute grande aux secrets d’l’amour …

Quant à vous, mon garçon, y n’est point besoin qu’ion vous fasse l’école : vous avez toujours vécu parmi nous et la vue des animaux vous a sûrement fait comprendre c’que c’est qu’la destinée humaine !

 J’m’en vas donc couper là ma branche de fleurs de rhétorique en vous renvoyant vers les folles agapes que vous n’allez point manquer d’manger au cours de vot’repas d’noces, et en profitant de c’que j’ons la parole en main pour vous aviser que j’viens de r’cevoir eun’nouvelle marque d’engrais minéral, pour les betteraves, que j’débite aux habitants d’la région au prix de … francs le quintal.

 Vive la France, vive la République

Vive la mariée, eun’et indivisible