Michel Bassard

Michel Bassard

Au cours d’une veillée sur le thème « les mains et la lumière » au Rosaire, lors d’un pèlerinage diocésain à Lourdes, Michel Bassard a prononcé l’homélie suivante, après l’Evangile du lavement des pieds.

Seigneur, j’ai envie de te dire : « Ce n’est pas convenable ce que tu fais là… »

Et, comme Pierre, je n’ai pas envie de me laisser faire…

Seigneur, tu n’es jamais convenable dans ton Evangile.

Ce n’est pas convenable, Seigneur, de naître sur la paille, dans une mangeoire. Tu vas être mangé, dévoré…

Mais, Seigneur, j’y pense, c’est vrai tu as été mangé par les hommes, comme un pain d’amour.

Ce n’est pas convenable, Seigneur, de naître d’une jeune fille… qui ne connaît point d’homme… qui n’est qu’une petite servante…

Ah, mais j’y pense, ta mère, maintenant, tous les âges la proclament bienheureuse !

Ce n’est pas convenable, Seigneur, de travailler de tes mains, de toucher du bois, de toucher des malades, de laver les pieds… Tu vas te les salir ; tu vas te les abîmer, tu vas finir par te les faire saigner, transpercer, les mains, tes belles mains…

Mais Seigneur, ce n’est pas le travail qui salit les mains… Les mains, ça se lave… Mais elles se salissent quand elles se ferment pour accaparer, pour tout garder, pour garder les deniers, les trente deniers…

Ce n’est pas prudent, Seigneur, de choisir des apôtres comme çà, à la sauvette, entre deux coups de filets, des apôtres qui n’ont pas l’air d’être des lumières… Tu n’es pas prudent, tu prends des risques… des risques de reniements… Mais c’est vrai, Seigneur, j’y pense, ce n’est pas une question de sécurité. C’est une question de confiance : « Je te donne les clefs »… C’est une question d’amour : « Pierre, m’aimes-tu ? »… C’est une question de service : « Sois le berger de mes brebis ».

Ce n’est pas convenable, Seigneur, de fréquenter des gens douteux : Zachée, des publicains, des Romains, la  Marie-Madeleine, la Samaritaine… Mais, c’est vrai, j’y pense, ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais ceux qui sont malades… Et tu dis « Méfiez-vous que ces gens-là n’entrent avant vous dans le Royaume des Cieux ! »

Enfin, Seigneur, ce n’est pas convenable de te mettre en tablier… pour laver les pieds de tes apôtres ! Un Dieu en tablier… à quoi ça ressemble ? Ca fait pauvre, ça fait… domestique, ça fait pire : ça fait esclave… Un Dieu en tablier, ça fait miteux !

Ah mais c’est vrai, Seigneur, les tabliers ne se mitent pas… C’est ce que l’on entasse, ce que l’on thésaurise qui risque les mites et les vers…

Mais j’y pense, tu n’auras même plus un tablier, le vendredi, de midi à trois heures, sur une croix…

Plus rien. Plus rien du tout. Tout nu. Plus rien. Plus rien d’un homme. Plus rien que la peau et les os… et encore… quelle peau ! Quels os ! Quelle tête ! Quelles mains ! Quels pieds ! Quel cœur !  Plus rien … Tu as tout « consommé », tout, jusqu’à la lie. Tout « consumé » jusqu’au bout du service… jusqu’au bout de l’amour.

Mais dis, Seigneur, tu l’as fait exprès. Mais oui, tu l’as fait exprès… pour que tu puisses nous dire, un jour :

J’étais nu                          et vous m’avez vêtu

J’étais enchaîné, cloué     et vous m’avez libéré

J’étais malade                   et vous m’avez soigné

J’avais faim et soif           et vous m’avez secouru

Sans abri                           et vous m’avez logé !

Seigneur, à la lumière de ton Evangile, en mettant ton tablier, fais-nous comprendre que ce n’est pas le moment de rendre le nôtre …