Octobre 1948. Vous inauguriez à Rimont le ministère qui fut le cœur de votre vie sacerdotale, celui de Supérieur du Petit Séminaire. Je faisais partie du petit groupe de « nouveaux » que vous avez su accueillir avec tant de bonté paternelle et d’active sollicitude.

Octobre 1962. De nouveau vous m’accueillez à Rimont, mais cette fois-ci pour m’associer à votre tâche d’éducateur en séminaire et m’ouvrir la voie d’un ministère que vous aviez souhaité et demandé pour moi, qui est encore le mien et auquel vous êtes toujours resté discrètement et fraternellement présent.

Octobre 1968. A votre dernière lettre du début de cette année, je n’ai jamais reçu de vous que des encouragements à travailler obstinément au service de la préparation des jeunes au sacerdoce. Ce fut votre passion personnelle, au double sens du mot passion : le lieu où vous vous êtes donné tout entier dans la confiance et la joie, celui où vous avez patiemment porté le poids du jour et de la chaleur, celui enfin où vous avez aussi connu l’épreuve, parfois l’incompréhension et la solitude.

Vous avez vécu l’épreuve de la guerre et de la captivité. Je ne vous ai jamais entendu en parler avec amertume ni ressentiment. Mais j’ai pu mesurer, en bien des occasions, à quel point vous avez su vivre cette épreuve comme une école de vérité, de réalisme, de compassion et de dévouement dans la générosité d’une vraie fraternité et la force de la foi chrétienne.

Réalisme actif et généreux, c’est le trait de votre visage d’homme et de prêtre que j’admire le plus et que j’aime en vous, comme une richesse reçue de Dieu et de vos parents, une richesse dont nous avons amplement bénéficié. Pour vous être fidèle je voudrais l’évoquer avec la rigoureuse et concrète simplicité qui fut la vôtre. Supérieur de Rimont, vous étiez la « tête » d’une Communauté d’hommes et de jeunes que la générosité foncière des fondateurs du Séminaire avait située dans un isolement aussi austère que champêtre. Vous étiez pour nous un père très bon et très humain, attentif à nos santés, silencieusement triste des maigres rations alimentaires que le dévouement acharné des économes du séminaire ne parvenait qu’épisodiquement à améliorer dans les difficiles années de l’immédiat après-guerre. Vous étiez un père qu’aucune tâche, si humble et ingrate fut-elle, ne rebutait lorsqu’elle était pour le bien de ses enfants.
Ce réalisme actif et généreux était associé à un dévouement d’une fidélité totalement désintéressée. C’est le second trait de votre visage que je voudrais maintenant esquisser.

Père Geoffroy, je ne vous ai jamais vu aussi heureux que lorsque vous parvenaient des nouvelles des anciens de Rimont. Vous faisiez spontanément vôtres leurs joies et leurs peines, vous vous réjouissiez de leurs succès, je vous en sentais fier ; leurs épreuves et leurs échecs vous navraient. Dieu sait votre joie au moment des ordinations des anciens appelés par l’Eglise au sacerdoce, mais vous partagiez d’un cœur aussi sincère les joies des fiançailles, des mariages, des naissances, les succès universitaires, les réussites professionnelles.

Vous aviez été ordonné à vingt-trois ans… le vingt-cinquième anniversaire de votre ordination fut en 1953, à Rimont, une fête. L’image souvenir que « vous nous aviez donnée s’est peu à peu usée… mais je n’en ai pas oublié le texte, j’espère ne pas déformer les mots de votre prière : « Seigneur, ôte de moi tout ce qui m’éloigne de Toi et mets en moi tout ce qu’il faut de Toi pour que tout en moi attire et attache à Toi ».

Eglise d’Autun – Père André Fort