Né à Vérosvres, village natal de sainte Marguerite-Marie, Jean Emorine trouva dans une famille nombreuse et profondément chrétienne le terreau où devait s’enraciner sa foi et l’éveil d’une vocation.

A cette époque la route pour le sacerdoce passait par le séminaire Saint-Hugues de Paray-le-Monial. Il en gardait un souvenir nostalgique, en évoquant les nombreux amis et camarades de cours qui formaient une équipe de jeunes, joyeux de vivre dans la perspective du sacerdoce, ardents à se former intellectuellement et spirituellement. Les directeurs du Grand Séminaire d’Autun n’hésiteront pas à qualifier cette promotion du terme élogieux de « grand cours ».

Durant la période de l’Occupation, il fallut ruser pour passer entre les mailles du filet afin d’échapper au STO (Service du Travail Obligatoire). Avec la complicité du chanoine Augros, curé de la paroisse Notre-Dame de Montceau et oncle du Père Augros, l’un des pionniers de la Mission de France, il obtint facilement une identité nouvelle, ce qui le faisait sourire. Il fut promu professeur de mathématiques à l’école des Oiseaux de Montceau, tandis que son confrère était chargé d’enseigner les lettres. Au contact du clergé paroissial, dans ce pays minier, il vibrait déjà à la pastorale en ce monde ouvrier qu’il devait retrouver par la suite.
Ordonné prêtre en 1946, il rejoignait aussitôt la paroisse Saint-Henri du Creusot. La ville industrielle se relevait tout juste des profondes blessures occasionnées par le double bombardement des années 1942 et 1943.

Après un an de vicariat, Jean Emorine se retrouvait en milieu rural, sur le plateau d’Antully, avant de se rapprocher du Charollais, pour un ministère plus important à Saint-Christophe-en-Brionnais. En 1975, il accepte de nouveau une charge pastorale à Digoin, tout particulièrement à la paroisse Sainte-Bernadette, au quartier de la Brierette. Parfaitement à l’aise au cœur d’une population ouvrière, il évoquait toujours avec chaleur ce contact avec des familles préoccupées de leur avenir et soucieuses de l’éducation des enfants.

Les forces déclinant, il marqua une nouvelle étape comme prêtre auxiliaire à Gueugnon avant de demander asile à la Maison Saint-Antoine à Autun. Comme il ne pouvait rester inactif, il s’est passionné au service des archives paroissiales à l’évêché, relevant avec patience et minutie les notifications de mariage et de baptêmes, en dépit des orthographes fantaisistes et illisibles qui le faisaient maugréer. C’était amusant de l’entendre répéter à longueur de journée : « Mais enfin ! les archives, ça fait aussi partie de la pastorale ! Quand est-ce qu’on va le comprendre ? »

Depuis trois ans sa santé s’altérait. Pour ne pas commettre d’erreurs il préféra abandonner le service et cela, à regret. Sa plus grande occupation était alors la prière et la marche à petits pas en arpentant les couloirs de la Maison Saint-Antoine, le chapelet à la main. Sa marche a pris fin, il est arrivé près du Seigneur.

Ce qui l’a soutenu toute sa vie, c’est une foi profonde enracinée dans cette terre charollaise, et une volonté de faire partager aux autres cet amour qui l’avait saisi. Son témoignage n’avait rien d’ostentatoire. Il était simple, discret, bienveillant et décidé. Dans la ligne de cette même discrétion, il avait prévu lors de son ministère à Digoin, de remettre son corps à la disposition de la science. Son vœu a été exaucé.

Eglise d’Autun – Père Michel Bosser