BOUARD Louis

Prêtre

1929 : Naissance le 24 juin

Grand Séminaire à Autun
Service militaire au Sénégal

1955 : Ordonné prêtre le 29 juin

1955 : Vicaire à Saint-Vincent de Chalon

1964 : Aumônier diocésain JOC

Chargé de la pastorale familiale

1969-1981 : Curé de Saint-Pierre de Mâcon

1982-1995 : Curé à Notre-Dame à Autun

1995 : Montceau-les-Mines, formation, accompagnement spirituel, formation des futurs diacres permanents

2005 : Revient sur Mâcon « en retrait »

2011 : Décède le 3 septembre

Louis Bouard à l’occasion de ses 50 années
de Presbytérat en 2005

Chers Amis,

Le 29 juin 1955, j’étais ordonné prêtre en la cathédrale St-Lazare d’Autun. Ce jour-là – les aspirateurs n’ayant pas encore fait leur apparition dans les églises -le tapis sur lequel les 7 d’entre nous étaient étendus pour demander le soutien des Saints du paradis expédiait dans nos poumons son surplus de poussière ! Et ma chère mère pensait que nous étions au 7° ciel !… Drôle de ciel et belle mentalité de ceux qui auraient dû « s’abîmer dans le mystère » ! – Voilà comment tout a commencé : rien de très sublime !

C’est de la suite dont je voudrais vous entretenir, à vous que la vie m’a donné de rencontrer et qui – d’une manière ou d’une autre – m’avez fait exister depuis 50 ans comme homme, comme chrétien, comme prêtre.

Nommé vicaire à St-Pierre de Chalon-s-Saône, j’arrivais à la paroisse le 20 août 1955, jeune blond ensoutané sur un scooter « Lambretta » flambant neuf. Le lendemain à 6 h 25, c’était ma première messe, accompagné du sacristain fameux surnommé « Tagada » qui s’inquiétait : « vous y savez faire » ? – A 9 h, surprise ! Une personne demande à voir un prêtre et – disponible – je la reçois. « Ma fille veut avorter – me dit-elle – que devons-nous faire avec mon mari » ? Le soir même, j’allais rencontrer la jeune fille dans son village – inquiet, ému, bouleversé : « à moi, inexpérimenté, une telle situation était livrée » ! une mère en pleurs se confiait… une fille acceptait de parler, de réfléchir, d’éclairer sa décision de garder ou non son enfant… ! – Je n’ai jamais revu ni la mère ni la fille et ne connais pas l’enfant dont j’ai su qu’il était un garçon : il a aujourd’hui 50 ans ! Mais ce premier acte de ministère m’a marqué à jamais ! Merci à vous, inconnus qui m’avez ouvert une porte et qui sans tenir compte de mon jeune âge m’avez plongé en pleine vie et m’avez fait confiance ! Vous ne me demandiez pas un acte du culte mais de partager une situation, de l’éclairer, de comprendre une interrogation, de dire des paroles de vie !

Quelques semaines après cet événement, une autre marque de confiance me fut signifiée par quelques jeunes couples chalonnais qui souhaitaient créer une « équipe Notre-Dame » et désiraient un accompagnateur- prêtre. – Là encore, si la prière avait sa place, le partage de vie me plongeait au creux des problèmes de relation dans le couple, d’équilibre à trouver, de pardons à donner. Surtout, leur confiance m’impressionnait par le réalisme des confidences et suscitait chez moi un vif encouragement à travailler les questions conjugales et à rejoindre les personnes au-delà de leurs apparences, parfois de leur mondanité. – Merci à vous aussi ! Vous avez certainement contribué à mon investissement dans les questions familiales, le lancement et le soutien des CPM, la proximité des chrétiens blessés dans leur vie de couple – ce qui a été, pendant 50 ans une large part de mon ministère.

Dois-je évoquer un aspect plus douloureux de ces années primordiales à St-Pierre de Chalon-sur-Saône ?… Oui, en raison de la leçon qui en fut tirée. A l’époque, j’avais quelques compétences musicales et fut appelé à succéder à un prêtre âgé qui avait eu une grande influence sur la ville, le Père Duverne : il m’était demandé d’assumer en particulier la direction de la Maîtrise, d’un cinéma, d’un club de gymnastique… Or, l’entourage immédiat du Père Duverne prit ma nomination comme une non-reconnaissance de ce qu’il avait réalisé au cours de ses longues années de présence. Ce fut une cabale contre moi, contre le Père Cordin, curé à l’époque, contre l’évêché ; une division s’installait dans la paroisse comportant mots d’insulte et gestes à l’appui. Je compris alors que – prêtre – il s’agit de faire œuvre d’Eglise et de ne jamais permettre que le ministère tourne autour de soi. Y ai-je été suflisamment attentif ? en tous cas j’en suis convaincu.

Confiance… Partage de vie… Faire œuvres d’Eglise… ces trois éléments m’ont aidé à devenir moi-même et à exercer par la suite les différents ministères qui me furent attribués.

C’est ainsi que je rejoignis des mondes inconnus jusqu’alors : celui des ouvriers et employés – en particulier le milieu des employées de maison – ; celui du personnel soignant. Les rencontres JOC-JOCF et d’ACMSS (Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux) étaient des lieux témoins de la densité de vie et de foi portées par les uns et les autres. Merci encore à vous tous ! Vous m’avez éduqué à saisir que notre « spirituel » n’a d’autre terrain que notre humanité très concrète, charnelle, ordinaire et qu’il s’agit pour le chrétien de laisser la foi prendre corps en lui de façon réelle, inédite…. Dois-je avouer l’influence primordiale des Mouvements d’Action Catholique pour mon attachement à Jésus de Nazareth et au Seigneur Ressuscité ? Certes, le Christ faisait partie de mon paysage de croyant : Il était un modèle mais demeurait lointain. Ce sont vos propos faisant le lien entre votre vie et le Christ qui m’ont rendu attentif à la personne de Jésus marchant, soignant, délivrant des « démons », priant et aujourd’hui suscitant liberté et dynamisme.

Ceci m’amène à évoquer un autre élément primordial de ma construction d’homme, de chrétien et de prêtre : la découverte de la spiritualité ignacienne par l’intermédiaire du Père Varillon, de Teilhard de Chardin et de ceux et celles avec lesquels j’ai approfondi cette spiritualité, spécialement Pierre Bouthière.

Le tout 1er contact s’est fait à Chalon avec les fiches de théologie écrites par Fr. Varillon pour les militants ACJF (Ac. Cath. de la Jeunesse Chrétienne) : j’étais enthousiaste ! Enfin s’éclairait en moi ce qui pendant 5 années d’étude m’était apparu obscur et sans intérêt ! Une théologie présentait le Mystère de Dieu proche de l’Homme, jetant une lumière sur la vie de l’homme, lui ouvrant des portes de libération ! – Teilhard me passionnait dans « le Milieu Divin », « Nous nous imaginons parfois que les choses se répètent, indéfinies et monotones. Or sous l’enveloppe banale des choses, de tous nos efforts épurés et sauvés, s’engendre graduellement la Terre Nouvelle. Un jour, la Présence silencieusement accrue du Christ dans les choses se révèlera brusquement ».

Plus tard les « Grands Exercices de St-Ignace » que j’osais entreprendre me révélaient que j’étais aimé de Dieu dans le réel de moi-même au-delà de mes peurs : « toi que j’ai choisi, ne crains pas ; je suis avec toi ; je te saisis par la main droite, pauvre larve, chétif vermisseau. » Isaïe 41, 8. – Oui, Merci à Ignace et à ses disciples ! Inigo invite chacun à faire l’expérience personnelle de sa relation à Dieu à partir de ce qu’il est de son histoire, des « mouvements » qui l’habitent… et non en se modelant à un prototype idéal valable pour tous ! Et ce qui est expérimenté comme « moteur » dans la vie, comment ne pas le faire partager ? – Ce fut là encore un élément de poids de mon parcours et de mon activité pastorale.

Excusez l’insistance mise sur les premières années de ce temps de presbytérat : comme en d’autres domaines, les expériences de départ sèment le meilleur ou le pire. Ma relecture de vie me fait toucher combien je dois être reconnaissant à Dieu et à vous tous de ce qui s’est inscrit en moi dès le début.

Le ministère à Mâcon, Autun et dans les fonctions diocésaines qui me furent attribuées a été appuyé sur les bases que je viens d’évoquer. – Si les chalonnais m’ont ouvert le livre de la vie – Mâcon, Autun, le diaconat, la formation permanente ont été des terrains sur lesquels l’esprit d’ouverture du Concile avait à se manifester : de plus en plus de laïcs demandaient à solidifier une intelligence de la foi et prenaient conscience de la place qui est la leur dans l’Eglise – un souci de vérité dans les demandes de sacrement et leur célébration nous tenait à cœur – une pastorale commune s’amorçait entre St-Vincent et St-Pierre à Mâcon, sur l’ensemble de la ville à Autun – des équipes pastorales et de gestion étaient mises en place… Certes, il y avait des réticences, des oppositions même, il y avait surtout une large inertie : « Expliquez ! » répétait le Père le Bourgeois. On s’est épuisé à cela ! Malgré l’effort engagé, force est de reconnaître que seule une minorité de chrétiens est entré dans l’élan de renouveau désiré par le Concile.

Merci à vous tous qui vous êtes fatigués avec nous, prêtres, non pas uniquement par votre participation active en tel ou tel domaine de l’Eglise (catéchèse, liturgie, services d’Eglise, mouvements d’action catholique…) mais en raison des coups à encaisser et des explications à donner face aux incompréhensions de vos milieux familiaux, sociaux ou amicaux. Vous avez été pour moi et mes collègues un soutien énorme dans ces années de bouleversement des mentalités et des pratiques nouvelles en Eglise et un apport indispensable pour donner sens aux changements qui s’imposaient. Pardon d’avoir été trop timide et de ne pas m’être assez impliqué parfois par peur des affrontements : vous le savez, je ne suis pas homme de débat et préfère entrer en conversation quand règne la confiance plutôt qu’en conflit ou alors garder le silence… Pardon également pour mes lassitudes et mes paresses… me poursuit le mot de Vincent de Paul que l’on interrogeait sur ce qu’il aurait dû faire encore ; il répondait : « davantage ! » ; le même qualificatif revient également chez St-Ignace… Pardon à ceux et celles auxquels je n’ai pas suffisamment prêté attention…

Un mot encore pour signaler combien certains lieux m’ont procuré des instants privilégiés. J’en citerai trois : « le Châtelard » la maison des jésuites à Francheville-le-Haut, le monastère de « La Pierre-qui-Vire » et « Taizé » . Tous trois ont marqué mon parcours à des moments où Dieu avait spécialement à me relancer. Merci aux jésuites, moines et frère qui ont bien voulu m’accompagner et me porter dans la prière.

Difficile de ressaisir en quatre pages 50 années de présence, d’interrogations, d’actions, d’échanges, d’apports mutuels. Vous l’avez compris en me lisant : ces lignes veulent vous dire mon Merci ! – A l’occasion de ce jubilé, je ne souhaite aucune célébration ou fête mais tiens à vous exprimer combien vous avez été importants sur ma route. – Importants aussi les « oubliés » avec qui j’ai cheminé un moment, ceux et celles qu’il m’a été donné d’écouter dans leurs souffrances ou leurs joies et qui ont enrichi mon cœur et ma prière ; ceux et celles qui m’ont offert l’hospitalité ou qui ont accepté la mienne ; les auteurs qui par leurs livres ou leurs articles ont éclairé ma pensée. D’autres également ne sont plus de ce monde et ont une place privilégiée dans mes pensées, en ce temps d’anniversaire :

– mes parents : leurs paroles ou leurs attitudes n’ont jamais paralysé mon ministère en laissant supposer que je devrais leur donner plus de temps.

– Baheth, Jeanne dont l’amitié fut précieuse pour mon équilibre.

– le Cardinal Thiandoum, le Père le Bourgeois, Pierre Bouthière, Emile Duhesme, René Popelin avec lesquels un lien particulier soutenait mes questionnements et appuyait mes intuitions.

– Jacques Trillaud, Jacques Toulon, Louis Thibaudin et d’autres dont les compétences et le dévouement permettaient de me reposer sur eux pour une gestion sûre de ma dernière paroisse, Autun.

Tous, vous serez rejoints dans ma prière d’action de grâces, le 29 juin 2005 prochain. A cette prière, j’ajouterai un désir et une supplication :

– que – dans les décades à venir – l’Eglise à laquelle j’appartiens et suis attaché se manifeste par une proximité communicative et refuse le rôle froid des « doctrinaires » et des ritualistes.

– qu’Elle se présente « libérante » de tous les enfermements et offre à chacun – là où il en est – un chemin de meilleure vie possible.

– qu’Elle donne une place plus importante aux femmes (participation au Conseil de l’évêque, ministre du Sacrement des malades, ordination diaconale…). L’Eglise jusqu’alors se prive de la richesse particulière des femmes dont certaines – de manière qui leur est propre – savent merveilleusement proposer la foi et la célébrer.

Je terminerai avec cette prière de St-Ignace que je fais mienne chaque jour : « Prends, Seigneur, et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence, toute ma volonté. C’est Toi qui m’as tout donné ; à Toi, Seigneur, je le rends. Tout est à Toi ; dispose-en selon ton entière volonté. Donne-moi seulement de T’aimer avec ta grâce ; cela me suffit ! »

Décès du Père Louis Bouard

Le Père Louis Bouard est décédé le samedi 3 septembre 2011 dans sa 83e année et 57 ans de sacerdoce. Ses funérailles ont été célébrées le samedi 10 septembre 2011 à 9 h 30 en l’église de Notre-Dame de la Paix à Mâcon suivies de l’inhumation au cimetière Saint-Brice dans le caveau des prêtres.

Sa famille, ses amis ainsi que des représentants de l’Eglise étaient présents.

Témoignage de Mireille Godin

Le Père Bouard a été pour moi un phare, un aiguillon, un révélateur. Quelques années après ma conversion c’est lui qui m’a appelée à devenir animatrice en pastorale. Que de qualificatifs montent aux lèvres pour évoquer la présence si habitée de cet homme. Oui, Père Bouard a été pour nous, l’équipe d’aumônerie d’Autun un guide d’une bienveillance fidèle. Dans l’attention et la délicatesse, son écoute respectueuse et son discernement subtil ont fait grandir en nous la confiance.

Exigeant avec lui-même, précis avec les autres, et toujours dans une fermeté paisible, n’imposant jamais son point de vue, il cultivait l’élégance sobre aussi bien dans l’allure que dans la relation. Cet homme de discrétion et d’ouverture nous a appris la liberté, non pas celle du poing dressé, mais celle qui respire au cœur de chacun quand il pressent l’harmonie avec son Dieu, celle qui se construit pas à pas dans le quotidien, celle qui pousse à aller vers l’autre, celle qui se reçoit du Tout-Autre.

Soudain, à son départ, je prends conscience que j’appartiens à une grande famille, celle de l’Eglise, bien sûr, mais aussi la famille de tous ceux que Père Bouard a fait grandir. Oui, « père », ce mot lui va bien, non pas comme un papa gâteau, mais comme un père qui propose des chemins de vie sans les imposer, un père qui veille sans surveiller, un père qui aime sans envahir. Oui, je rends grâce au Seigneur d’avoir été nourrie des talents de ce père. »

Témoignage de Mireille Godin – Eglise d’Autun – Septembre 2011

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