BOFFET Noël

Prêtre

1945 : Né le 25 décembre à La Chapelle-sous-Dun

1955-1964 : Petit Séminaire de Semur-en-Brionnais

1964-1966 : Grand Séminaire d’Autun

1968-1971 : Séminaire Saint-Irénée

1971 : Ordonné prêtre le 13 juin à Chauffailles

1971-1983 : Vicaire de la paroisse Notre-Dame à Montceau-les-Mines, aumônier scolaire et aumônier fédéral de la J.O.C.

1983-1987 : Aumônerie nationale de la J.O.C. à Paris

1987-1998 : Notre-Dame-de-Lumière à Chalon-sur-Saône

1998 : Paroisse de l’Epiphanie au Creusot

2015 : Décède le 16 septembre

Ce qu’il dit de lui-même

Quand j’ai entendu l’appel à devenir prêtre, j’avais huit ans. Un jour où j’étais plus qu’agacé par le fait que je trouvais que le langage que l’Eglise et les prêtres tenaient pour annoncer l’Evangile était inadapté. A mille lieues de ce que les gens peuvent comprendre. Je me suis dit alors : « Et si j’étais un prêtre pour parler de Dieu autrement ? ».

Ça a guidé et ça guide encore ma manière d’exercer mon ministère. D’abord en actes, en essayant, par ma manière d’être, de montrer aux pauvres qu’ils sont aimés de Dieu.

« Bouge ta Galère » a sans doute été dans ma vie de prêtre le lieu qui m’a le plus permis de manifester et d’accueillir cet amour fou que Dieu porte au monde, en donnant sa préférence aux « petits ».

Mais en même temps, ce ministère auprès de ceux qui ne comptent guère me met souvent, comme eux, à la marge. On me reconnaît davantage à cause de mes fonctions de curé  que de mon accompagnement des jeunes en galère.

 

Noël Boffet nous a quittés

Mercredi 16 septembre 2015, il s’en est allé …
Noël Boffet a marqué l’histoire de l’Eglise par ses 14 années passées au Creusot, à la Paroisse de l’Epiphanie, sur le doyenné mais aussi dans la société.
Combien de personnes ont trouvé refuge auprès de lui ?
Combien ont été soulagées par ses paroles ?
Combien encore ont grandi à ses côtés?
Son attention à l’autre, son dévouement, son humour mais aussi ses coups de gueule nous ne les oublierons pas…

Quelques phrases de Noël Boffet pour ses 40 ans de sacerdoce en 2012

03boffetDans l’ensemble, je crois pouvoir dire que j’ai vécu un grand bonheur, même si j’ai accompagné et j’accompagne encore beaucoup de souffrances.
Mais ce qui m’a donné du bonheur, ce n’est pas, bien sûr, l’accueil de ces souffrances, c’est d’avoir donné un sens à mon existence….
Je pense qu’il n’y a rien de pire que de ne pas savoir à quoi et qui on sert. Ce n’est pas le privilège des prêtres, ni même des chrétiens, que de donner un sens à leur vie.
Plein d’autres gens qui ne se disent pas croyants le font, et j’avoue que j’admire chez eux cette fidélité qu’ils ont au sens de leur vie, même s’ils ne peuvent pas dire qu’ils croient en Dieu ….
Mais alors, qu’est-ce que ça change de croire en Dieu? Qu’est-ce que ça a changé pour moi ?
Je pense que ça m’a situé différemment dans ma manière d’être au monde. Ce n’est pas moi tout seul qui décide
J’essaye de me mettre d’abord en situation d’accueil.
Je ne me donne pas ma mission, je la reçois en essayant d’avoir toujours en tête: « d’où ça vient? Où ça va ? »
Le monde n’a pas commencé avec moi et il ne finira pas avec moi… Du moins je l’espère…
Mais j’ai mon empreinte à y laisser ….
J e ne regrette rien ! …
Pour moi, parler d’amour… C’est parler de Dieu…
Dieu est amour ou l’amour, c’est Dieu! Plein de gens en vivent même s’ils ne peuvent le nommer.
De toute façon, je pense que la première manière de parler de Dieu, ce n’est pas en faisant des discours, mais en posant des actes dont on a à rendre compte souvent aussi… pouvoir vous dire que vous êtes le cœur de ma vie, autant que Dieu lui-même !
C’est de vous que j’ai reçu et que je reçois encore la force de donner ce que je suis. J’ai tant reçu ! Merci encore !
Vous êtes le visage de Dieu dans ma vie !
Mon bonheur c’est vous, et j’espère ne pas nuire au vôtre !

MC

Textes lus au début de la célébration des obsèques le 21 septembre 2015 à Gueugnon

Intervention de Benoît Rivière, évêque d’Autun, Chalon et Mâcon

Frères et sœurs, nous lisons dans l’Évangile de la fête de saint Matthieu aujourd’hui le récit de la première découverte que Matthieu a faite de Jésus. Il était en plein travail, assis à son bureau, et le Christ a posé son regard sur lui et lui a parlé. Un regard divin. C’est ce regard de Jésus qui a décidé de la vie de Matthieu.
Jésus a posé sur Matthieu un regard qui était si différent des autres, et il lui a parlé pour l’entraîner sur un chemin de vie au grand vent de l’Esprit. Quand tu te sais aimé à ce point, tu peux tout quitter, et devenir l’un des apôtres à la suite de Jésus.
Le père Noël Boffet, surtout dans les moments où il n’est pas évident de décider ce qu’il nous faut faire, se mettait sous le coup de ce regard divin, de Jésus aimant le monde et chacun de nous.
Quand il a décidé de donner sa vie comme prêtre, c’était en plein dans la période conciliaire, si enthousiasmante et si porteuse de promesses, et quand il a dit oui aux missions qui lui furent confiées, c’était tout sauf un demi-engagement.
Avec lui, c’était oui ou non, mais quand c’était décidé, on y allait corps et biens, entièrement. La vie que le père Boffet a vécue, c’est quelque chose d’intense, de fidèle, de sensible et de profondément humain. Cette profondeur, Dieu nous donne de l’atteindre par sa seule grâce.
Le bouillant Simon-Pierre a dû être un lointain ancêtre de sang de notre frère Noël Boffet ! C’est d’ailleurs à lui que le père Boffet a pensé quand il s’est mis dans le silence de la prière et de l’écoute de ce que Dieu lui disait pour répondre à l’appel de devenir le curé de Gueugnon. Au-delà des agitations de surface, et même des agitations profondes, dans ce lieu du cœur où l’on est à nu devant le mystère de l’amour rédempteur, voici ce qu’écrivait le père Noël Boffet au vicaire général; c’était le 12 février 2012.
Je lis seulement un passage de cette lettre, dans lequel il fait part au père André Guimet de son dialogue intérieur avec le Christ : « Quand tu m’as quitté, j’ai pris un bloc et un stylo et j’ai commencé à écrire ma prière, en essayant de la vivre le plus honnêtement possible, c’est-à-dire en disant à Dieu ce qui se passait en moi et en essayant d’écouter ce qu’il me disait. La première chose que Dieu m’a dite, de manière forte, c’est : Tu n’es pas éternel dans ta manière d’être homme et prêtre! » Puis il a ajouté une foule de choses: « Montre que tu aimes l’Église au-delà du lieu où tu te trouves… Pourquoi réserverais-tu tes dernières forces au lieu de les donner? Si tu les donnes, tu seras davantage crédible!
Tu es peut-être aussi au temps de la récolte. Regarde ce que tu as semé. Vois si ça a poussé et comment… Partir c’est mourir un peu… Mais c’est aussi prendre le risque de jeter un regard sur tout ce que tu as fait jusque-là. Bien sûr il faut veiller sur toi et sur ton équilibre, mais pourquoi ne pas faire confiance à ceux qui t’appellent pour t’aider dans ce sens? Fais confiance à ceux qui suivront, y compris l’équipe qui accompagne Bouge ta Galère avec toi… Tu auras peut-être encore à les soutenir, mais pourquoi cet appel ne serait pas aussi un appel pour eux? Regarde de près quels sont les appels adressés à d’autres avant toi. Et si ce que tu as fait vivre au Creusot, c’était l’occasion de le faire vivre encore plus loin? Puis il y a eu un long silence… Et j’ai entendu cette parole de l’Évangile qui a toujours marqué les différentes étapes de mon ministère. Décidément Dieu a de la suite dans les idées, c’est: Noël! M’aimes-tu? Oui, Noël, m’aimes-tu? M’aimes-tu plus que ceux qui sont près de toi? Si c’est le cas, sois le pasteur que j’attends que tu sois. Un jour, quelqu’un te mettra ta ceinture et t’emmènera dans un endroit où tu ne voudrais pas aller ». Il parle ainsi de la mort qui interviendra forcément dans ma vie, cette mort dont il voudrait qu’elle soit un acte de ma vie de croyant!..
Frères et sœurs, nous le comprenons bien, il y a ce moment dans le dialogue intérieur et la prière, où il se fait enfin un grand calme, un long silence. Et c’est alors que la parole de Dieu s’inscrit en nous, pas seulement en idées plus ou moins heureuses, mais en réalité. Et nous entrons alors dans un chemin de vérité.
Le dialogue de Jésus avec Simon-Pierre s’est inscrit dans le coeur de notre frère Noël Boffet, comme étant le vrai dialogue d’un prêtre bourguignon d’aujourd’hui avec le Christ. Au fond, être apôtre, c’est être vrai devant Dieu et se laisser saisir par l’appel du Christ: Viens, suis-moi! Et c’est vouloir aimer Jésus plus que tous les autres, c’est l’aimer pour de vrai.
Le père Noël Boffet nous aura toujours parlé et écouté avec la force de son humanité sensible et de sa foi indéracinable, tant d’entre nous peuvent en témoigner.
Il avait dans le regard et dans le cœur cette blessure de reconnaissance, dont l’apôtre Paul avait parlé quand il disait: « Ma vie dans la condition mortelle, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi ».
Merci, père Noël Boffet, pour votre zèle ardent, pour votre si belle humanité, pour votre franchise dans les dialogues, pour votre hospitalité et finalement pour le témoignage que vous nous donnez jusque dans l’épreuve de la maladie et de la mystérieuse mort dont saint François, réconcilié en profondeur, osait dire qu’elle était notre « sœur » la mort corporelle.
Que nous soyons nous aussi des hommes et des femmes de foi, de courage et d’amour authentique!

Benoît Rivière, évêque d’Autun, Chalon et Mâcon

 

Intervention d’André Marot

Noël nous a quittés, il aimait la vie, il était passionné de la vie.
Aussi, chacun de nous qui sommes là, nous ressentons une grande peine de le voir partir à 69 ans.
Il avait tant de choses à vivre au service de l’Eglise et du monde. En particulier ici, comme curé de ces paroisses du Val-d’Arroux, mais aussi dans les diverses associations dans lesquelles il s’investissait avec ardeur, et aussi à travers les nombreux liens qu’il a tissés au fil des années de ministère.
Rencontrer Noël ne laissait jamais indemne, tant il savait nous bousculer, nous stimuler pour nous permettre de croire en nous.
Pour ma part, Noël est un ami de longue date, c’est sur les bancs du petit séminaire de Semur-en-Brionnais que nos chemins se sont croisés. Nous avions 12 ans. Nous avons fait ensemble le petit séminaire, le grand séminaire d’Autun, puis Lyon St-Irénée. Même le service militaire de 16 mois à l’époque, ne nous a pas éloigné. Lui à Dijon et moi à Chalon. Le stage à Montceau-les Mines en mai 1968.
Mais ce qui a été très fort, ce sont nos débuts de ministère à Montceau-les-Mines en 1970, avec Jean François Arnoux, Bruno de Boissieu et donc Noël et moi.
Ordonnés prêtres en 1971 après une année diaconale par le père Le Bourgeois, nous avons eu la chance d’avoir été accueillis et formés par l’équipe des prêtres de Montceau-les-Mines, mais aussi de nombreux laïcs et des communautés religieuses qui nous ont fait aimer le peuple auquel nous étions envoyé. Ce fut pour nous, la découverte de l’Action Catholique et en particulier en monde ouvrier.
Dans cette équipe de 4 que nous formions, Noël a été un leader, un fonceur. Mais j’ajoute aussi un farceur. Que de farces n’a-t-il inventées qui ont permis de vivre dans une ambiance très fraternelle.
Après ces premières années, Noël est devenu Aumônier fédéral de la JOC et moi de la JOCF. Au début des années 1980, il est appelé à l’aumônerie nationale de la JOC à Paris. Là encore, il a donné de ses talents pour dynamiser le mouvement, avec l’équipe nationale. C’est là qu’il rencontrera un prêtre de la Manche : Louis Dupont, avec qui il a noué une solide amitié. Il a été très affecté par son décès prématuré.
De retour en Saône et Loire, dans les années 1990, il est nommé à Chalon-sur-Saône dans le secteur des grands ensembles. Avec la JOC et d’autres accompagnateurs, il crée la permanence « Bouge ta galère » pour rejoindre les jeunes et adultes en situation de précarité. Une nouvelle aventure qu’il poursuivra quelques années plus tard sur le Creusot : au Creusot où il vivra un ministère pendant 13 ans.
Mais son ardeur le poussera aussi à s’engager au delà avec l’association « Appui » qui agit pour des opérations de développement au Niger, pays où il s’est rendu.
Enfin, au printemps 2012, il est nommé ici à Gueugnon. Hélas, quelques mois plus tard, printemps 2013, les premières attaques de la maladie se manifestent. Elles ne lui laisseront guère de répit.
Même si pour ma part, nos orientations et nos choix pastoraux n’étaient plus les mêmes, vivant des choses différentes, pour moi, Noël reste un ami, à qui je dois beaucoup; pour sa capacité à écouter et à redonner confiance, ses coups de gueule ont pu nous heurter, mais Noël savait me faire avancer.
Ce lien d’amitié se traduisait par un rendez-vous annuel au monastère des dominicaines de Chalais, c’est là que nous allions tous les ans depuis notre ordination (44 ans), et c’est d’ailleurs là, en juillet dernier, qu’il a séjourné En ce jour la communauté prie avec nous.
Voilà ce qui m’a écrit l’une des sœurs: « Noël a fait sa Pâque, à sa dernière messe avec la communauté, il nous a dit vos fidèles rendez-vous Chalaisiens. Il a bien mérité le repos dans le cœur de Dieu et je crois qu’il va nous être proche autrement » (Sœur Geneviève).
Enfin, je garde en moi la dernière visite à l’hôpital de Paray-le-Monial, le 9 août dernier, avec toi Michel et je suppose l’une de tes filles, où il était serein. Nous avons blagué, il savait que son état de santé était sérieux, mais il partait confiant pour Lyon 2 jours plus tard.
Il m’avait dit à une visite précédente: « je n’ai pas peur de mourir ». Pourtant cette mort, il l’avait frôlé à deux reprises, dans un accident de solex dans les années 1960 et une chute en voiture dans le canal du centre le 7 janvier 1975, alors qu’il s’apprêtait à se rendre à un spectacle de Gospel à Chalon. Au volant de sa voiture il chantait juste avant de plonger: « tu veux sauver le peuple, mais quand vas-tu le faire ? Le peuple, vrai, le peuple et pas les dignitaires, sauver le peuple du néant ».

André Marot

Intervention de Jean-François Arnoux

Avec Noël, nous nous connaissons depuis 51 ans.
Nous étions quatre jeunes en vue du sacerdoce qui avons en quelque sorte inauguré ce qui s’est appelé une année diaconale. Comme André vient de le rappeler, nous avons été accueillis par l’équipe de prêtres de Montceau-les-Mines qui nous a piloté dans le début de notre ministère.
Je voudrais partager quelques éléments de nature plutôt intimes qui ont marqué nos premières années de sacerdoce et ont imprimé, je crois une certaine manière d’être et des convictions qui ne nous ont plus jamais quittés.
J’ai vécu quatre ans avec Noël à l’aumônerie scolaire de la rue de Gourdon à Montceau-les-Mines dans des lieux plutôt exigus. Pour aller dans ma chambre, j’étais quasiment obligé de traverser la sienne, d’où une certaine promiscuité.
Impossible de se lever ou de faire le moindre bruit sans que l’autre ne s’en rende compte !
Eh bien, tous les matins sans exception, pendant 4 ans, nous nous sommes réveillés en chantant. Le premier réveillé allait entonner un refrain à la porte de l’autre, et l’autre répondait en poursuivant la chanson. La journée commençait dans la bonne humeur et se poursuivait toujours avec beaucoup d’humour, de rires et de farces. Il est arrivé, rarement, que l’autre ait eu du mal à répondre à la chanson du réveil ; c’est signe qu’il n’allait pas bien ; d’où la nécessité d’une explication pendant le petit déjeuner qui suivait… la suite pouvait alors se vivre avec plus de paix. Je peux dire que cette manière de commencer la journée en chanson a laissé des traces au niveau de l’amitié et d’une certaine manière de vivre. Et c’est beau !
Durer dans la vie commune quelle qu’elle soit, étant à mon sens, une des choses les plus difficiles au monde, comment faire pour ne pas se mordre ni se battre quand on vit si près l’un de l’autre, attelés à la même tâche apostolique, avec, dans un certain nombre de cas, les mêmes jeunes à rencontrer ?
Depuis le séminaire St-Irénée où nous retournions régulièrement pour nos comptes rendus, nous avions pris l’habitude de faire des sortes de révisions de vie où il était convenus que nous nous disions régulièrement comment nous nous percevions les uns les autres. Exprimer les émerveillements mais aussi les travers, les incompréhensions, les choses perçues comme négatives qui nous apparaissaient chez chacun des membres de l’équipe. Tout ce qui pouvait se dire dans ce cadre-là n’était donc jamais perçu comme des reproches ou des règlements de compte, mais comme des critiques positives pour nous aider à grandir, corriger certains défauts, faire attention à des travers ou à des risques.
Nous faisions régulièrement à quatre ce genre de « devoir de s’assoir » comme on dit dans les équipes Notre Dame. Vue la proximité de vie que nous avions, Noël et moi, nous avons été appelés à nous dire encore plus de choses l’un sur l’autre, dans cet esprit de service mutuel. Jusqu’au jour où nous nous sommes dit : mais pourquoi ne pas aller encore plus loin et nous demander à recevoir mutuellement le sacrement du pardon ? Ce que nous avons fait régulièrement. Il va sans dire que la première fois n’a pas été facile !…..Mais ceci a favorisé grandement, notre confiance mutuelle, notre liberté, notre collaboration, notre unité. Ceci, ainsi que la prière commune et les échanges fréquents sur notre ministère, nous a formé au sens de l’écoute, du dialogue et du partage ; dans l’humilité aussi, car il faut pouvoir accueillir toutes les remarques, en découvrir le bien fondé, et intégrer dans une démarche de conversion ce qui peut poser question au regard des autres. Ceci nous a marqué pour toujours dans notre manière de vivre notre sacerdoce, et nous a permis de vivre ensemble en harmonie alors que nous étions très différents l’un de l’autre et n’avions pas sur tous les points les mêmes orientations pastorales.
Ceci ne veut pas dire qu’il n’y avait jamais d’âpres débats entre nous. Ce qui paraissait juste et bon était défendu avec la conviction qu’on imagine. Mais une fois qu’on s’était mis d’accord, nous foncions ensemble dans les projets les plus extraordinaires où l’imagination et la fantaisie avaient toute leur place, que ce soit dans l’animation pastorale, les rencontres de jeunes, les camps, les fêtes et même… la liturgie ! L’époque de l’après-concile où bien des choses étaient « ad experimentum », nous donnait beaucoup d’air et permettait beaucoup d’audace, mais toujours dans le respect des normes fondamentales…
Ceci a rejailli sur notre manière d’aborder les gens et de les aimer. Ecouter quelqu’un, accueillir ce qu’il est, le servir et le respecter, ne rien imposer sans dialogue, ne pas prétendre avoir le monopole de la vérité ou du Saint Esprit sous prétexte qu’on a une position supérieure dans la hiérarchie, la société ou la famille, voilà ce qui fait grandir et les uns et les autres. Ceci, à notre avis, fait cruellement défaut dans le monde d’aujourd’hui, les entreprises, les familles, les couples, les associations, les partis, les paroisses, et l’Eglise, malgré tous les efforts et les encouragements du pape François. Il y a quelques mois, nous avions convenu avec Noël, de laisser des traces écrites sur le sujet et d’autres qui nous tiennent à cœur…
Dernier point de mon intervention. Les différentes missions qui nous ont été confiées, nous ont, bien sûr, éloignés de cette proximité de nos débuts. Mais depuis ces dernières années, les maladies, celle de Noël et la mienne, nous ont, à nouveau beaucoup rapprochés. Le dernier contact téléphonique que nous avons eu ensemble, c’était le 8 juillet dernier, s’est terminé de la façon suivante : « Jean-François, je veux que tu saches que je t’aime beaucoup. » J’en suis resté bouche bée. Ce n’est pas si fréquent que nous tenions de tels propos entre prêtres et, je ne m’attendais pas à cela, et pas à ce moment là…
Aujourd’hui, je reçois ces paroles de la façon suivante : Ce que nous avons vécu de par notre ministère et notre amitié est grand et beau, et nous en rendons grâce quoi qu’il puisse arriver. L’essentiel, dans toute relation c’est bien l’amour donné et reçu, y compris dans les pires difficultés. C’est toujours l’amour qui fait vivre et qui sauve, car l’amour est Dieu et Dieu n’est qu’amour. Aujourd’hui l’Amour en plénitude ouvre ses bras à Noël et lui dit : Viens, mon petit, viens enfin te reposer de tes peines, je veux que tu saches que je t’aime beaucoup.
En fait, ces paroles de feu, Dieu les dit depuis longtemps à chacun d’entre nous de multiples manières. Et chaque prêtre les dit ou essaie de les dire de par son ministère.
Pour être fidèle à Noël et à l’amitié qui nous unit au-delà de la mort, puissions nous accueillir ces paroles pour nous-mêmes, les dire nous aussi et surtout les vivre, avec tous ceux qui sont sur notre route : « Je veux que tu saches que je t’aime beaucoup ! ».

Jean-François Arnoux

 

Intervention de René Grégoire

02boffet

Que signifie apprivoiser dit le petit Prince
C’est une chose trop oubliée, dit le Renard; Ca signifie créer des liens
Créer des liens ?
Bien sur dit le Renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et toi tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis qu’un renard semblable à cent mille renards.
Mais si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde.
Je serais pour toi unique au monde.
On ne connaît que les choses que l’on apprivoise dit le Renard.
On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible aux yeux.
Tu deviens pour toujours responsable de ce que tu as apprivoisé.
Noël avait un don ; il savait apprivoiser.
Créer du lien, c’était même une occupation à temps plein pour lui.
Créer du lien entre les gens bien sur, leur montrer que les autres ont besoin d’eux et eux besoin des autres. Un peu comme une toile d’araignée. Noël savait nous aider à tisser des fils et même quand un des fils venait à rompre, on ne se cassait pas la figure pour autant car on était retenu par les autres.
Noël savait aussi tisser du lien entre nous et Jésus. Grace à lui on comprenait qu’on était important pour Dieu mais aussi qu’il comptait sur nous.
Aujourd’hui, il a rejoint celui qu’il avait choisi.
Alors ne pleurons pas de l’avoir perdu, mais réjouissons nous de l’avoir connu et continuons d’être bâtisseur de liens.

Noël, bâtisseur de liens, avait décidé d’écrire un livre

Voici un extrait du premier livre Bouge ta Galère: « accompagner des jeunes en précarité »

Ce soir de décembre, je prends un peu de temps pour écrire sur mon cahier, ce cahier qui est mon compagnon de route. J’y note mes rencontres, ma prière …. Je suis en train d’écrire ce que j’ai retenu de la session que je viens de vivre à Paris.
J’ai décidé de faire un livre.
« Il faut que je m’y mette dès que les fêtes seront passées… Il est important de faire entendre la voix de ceux qui ne savent plus parler. Dire leur vie, mais aussi leurs capacités, la manière dont ils vivent de Dieu, dont ils nous évangélisent. En parlant d’eux, c’est de Toi Seigneur que je veux parler, à eux et à tous ceux qui ne les connaissent pas. »
Je n’ai pas entendu arriver Guillaume. Il est là, à la porte de mon bureau et il me regarde écrire, puis il frappe doucement:
_ Je ne te dérange pas ? Noël ?
_ Non non… tu peux entrer
_ Tu écris ?
_ Et oui ! comme tu vois.
_ Tu écris beaucoup ! Tu sais…, tu devrais faire un livre !
_ Un livre ?… sur quoi ?
_ Ben…, sur nous ! Sur « Bouge ta galère» !
Et vlan! Si j’avais encore eu besoin de motivations pour me décider à faire ce livre, la provocation est maintenant percutante !
_ Tu sais Guillaume…, je viens justement de décider de faire un livre sur ma vie avec vous. Son visage s’illumine d’un grand sourire.
_ Tu vas parler de tout le monde ? De moi aussi ?
_ Sans doute ! Mais il faudra que je voie avec vous ce que j’ai le droit de dire.
_ On va t’aider t’inquiète pas !!!

Extrait du livre Bouge ta galère: l’année 1987 où Noël arrive à Chalon. Noël écrit sur son cahier.

« Je me sens pauvre, d’autant plus que je ne connais pas grand monde. J’ai la tête, les yeux, les oreilles, mais j’ai l’impression de n’avoir pas de bras pour l’ouvrage. Mais je sens qu’il est capital que je te raconte cette vie, Seigneur, que je te raconte ce que je vois, ce que j’entends pour que ce soit cette vie qui m’habite quand on invente une manière de vivre l’Eglise. Qu’elle soit au service des hommes et pas l’ inverse.
L’Evangile d’aujourd’hui me dit: « Malheureux êtes-vous parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes vous ne touchez pas ces fardeaux d’un seul doigt! »
C’est bien ça la société qu’on a fabriquée. J’ai ma part à prendre pour qu’elle change. Aide-moi à en avoir le courage, et aussi la patience pour ne pas écraser la mèche qui fume encore. »

Comment Noël a permis d’allumer la mèche pour moi, pour nous

et comment on continue ou on essaie de continuer ?

Trois témoignages pour illustrer :

Cathy :
J ‘avais envie de passer un peu de temps avec toi… même si tu ne me réponds pas, je sens ton regard pétillant et ton sourire aimant au dessus de mon épaule.
Tu vas en laisser des gens perdus et tristes…. mais tellement plein de force que tu leur as donnée tout au long de ces années.
A l ‘annonce de la nouvelle me sont revenus tous les souvenirs de mon adolescence et de mes débuts de ma vie d ‘adulte: les rassemblements ACE, les réunions à l’aumônerie, les camps et leur troisième repas…
Oui je suis triste, bien sur, mais je mesure la chance que j’ai eu de te croiser ta route. Merci Noël.
Il y a souvent un refrain qui me revient en tête: « Moi j’ai besoin des autres, ils ont besoin de moi, je compte sur les autres, comme ils comptent sur moi»
C’est un chant d’un rassemblement ACE ; je suis sure que les copains s ‘en rappellent encore …
Ces paroles m’ont accompagnée et m ‘accompagnent encore… Elles me réchauffent, me donnent de la force pour avancer.
On en parlait encore la dernière fois où je t’ai vu : je te disais que je me sentais un peu « différente» dans mon boulot, que le regard que j’avais sur les enfants étonnait parfois, qu’il n’était pas toujours compris, mais qu’au final… je voyais bien que ces petits bouts d ‘Homme me rendaient tout cela au centuple.
Voilà, c’est ça que m’as appris: trouver la beauté dans l’être humain.
Oui je suis triste, mais porteuse de cette richesse, merci Noël…
Je t’imagine là où tu es, les yeux emplis de larmes, ému, à la vue de tous ces gens qui te témoigneront leur reconnaissance, leur sympathie, leur amour.
Je regrette de ne pas pouvoir te dire au revoir et partager avec la foule (ça, j ‘en suis certaine) ces derniers moments. J’espère que tu partiras avec des mots doux, aimants et reconnaissants…
Merci Noël et bon voyage.

La ch’tite Cathy, (c’est comme ça que tu m’appelais, il y a peu de temps encore…)

Marie :
Dans une vie, il y a des personnes qui fascinent, qui aspirent…
Depuis toute petite, tu as marqué la mienne Noël, Toi, le copains des parents
le gourmand de fromage de chèvres et de mousse au chocolat au whisky
le Père Noël avec toute la magie de ce titre
le chanteur du désert « Zoum, Zoum, Zoum, Zoum »
le rapporteur de récit de vie, pas toujours jolie
le directeur des camps ACE au service du bien être des petits et des grands
Voilà ce que tu m’as transmis,
Profiter de la vie
Oser dire, rire et pleurer
Se révolter, s’indigner puis bouger
Ecouter les autres, les prendre là où ils en sont
Sortir du jugement; faire cheminer et faire agir
Continue bien ta route

La ch’tite Marie

Emmanuelle :
Noël m’a appris la joie de vivre lorsque je vivais des heures sombres, il m’a appris le non jugement lorsque j’étais en colère, il m’a appris à aimer lorsque je voulais combattre, il m’a appris à rêver et je l’ai fait.
Croiser son chemin m’a permis de devenir quelqu’un de meilleure. Noël, qui était doté d’une humanité superbe, si précieuse et si rare continuera, c’est une évidence, à guider nos parcours pour nous apprendre à nous ouvrir aux autres et à leur amour. Son âme est rendue éternelle par les valeurs qu’il a inculquées à chacun de nous.
Ma tristesse est de ne plus pouvoir entendre son rire « bonhommique » si réconfortant !
Reposes en paix mon cher ami car tu as tant œuvré pour ce monde. J’espère que celui-ci saura êtredigne de ton passage sur cette terre.

Conclusion en forme de je crois en Dieu à partir du texte de Noël Noel pour ses 40 ans de sacerdoce

Pour moi, parler d’amour… C’est parler de Dieu
Dieu est amour ou l’amour, c’est Dieu. Plein de gens en vivent même s’ils ne peuvent le nommer
De toute façon, je pense que la première manière de parler de Dieu, ce n’est pas en faisant des discours, mais en posant des actes dont on a à rendre compte souvent aussi… pouvoir vous dire que vous êtes le cœur de ma vie, autant que Dieu lui-même
C’est de vous que j’ai reçu et que je reçois encore la force de donner ce que je suis. J’ai tant reçu !
Merci encore !
Vous êtes le visage de Dieu dans ma vie !

Envoi (Jeannette, Petite Sœur de l’Assomption, à partir d’une prière de St François d’Assise)

Je sais que tu as mille et une raisons de désespérer,
Mais je voudrais te crier qu’il y a aussi mille et une autres raisons d’espérer !
Ne laisse pas gagner ton cœur par les marées noires des mauvaises nouvelles,
Pour changer le monde, il faut d’abord changer ton regard.
Regarde et cueille chaque jour, autour de toi, au creux du quotidien,
Ces mille et une fleurs d’espérance :
Celles qui poussent au milieu des plus sinistres tours de béton,
Des plus monotones lieux de transport ou de travail,
De la plus froide chambre d’hôpital,
De la plus humble décision, personnelle ou collective, pour la justice.
Regarde et vois tous ces hommes et toutes ces femmes
Qui ne font pas « la une» des journaux, mais qui inventent, jour après jour,
De nouvelles manières de vivre, de partager, d’espérer,
Et qui manifestent que le Royaume de Dieu est à la portée de la main.

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