BERNARDIN Paul

Prêtre

1928 : Né à Suresne (92)

1940 : Entrée à la Maîtrise à Autun.

1943 : Entrée à Saint-Hugues Paray-le-Monial et Semur

1947 : Entrée au Grand Séminaire à Autun

1949 : Stage à la mine à Montceau

Service militaire au Sénégal

1953 : Le 29 juin ordination à Autun

Vicariat à Chalon Saint-Cosme

1960 : Le 11 octobre, études de théologie à Rome

1963 : Curé de Montchanin le 20 août

1973 : Le 24 avril, embauché à la laiterie de Montchanin

1973 : Embauché dans une entreprise de matériaux au Creusot le 1er décembre

1992 : En mai, secrétariat prêtres-ouvriers Paris

1998 : Le 18 août, en retraite au Creusot

2002 : Le 4 décembre, maîtrise de théologie à Lyon

2012 : Prêtre en retraite au Creusot

Ma conviction fondamentale de longue date est que nous ne sommes pas prêtres seulement pour les chrétiens, mais aussi pour les autres. Nous devons nous efforcer de les rejoindre à tout prix, sur le terrain de leurs préoccupations, de leurs activités, de leurs convictions. Non pour en faire des chrétiens malgré eux, mais leur témoigner qu’ « en réalité, Dieu n’est pas loin de chacun d’entre nous » (Ac 17/27). Pour cela, il faut qu’ils puissent faire l’expérience d’être intéressants pour nous, et aimés tels qu’ils sont. Pourtant, ce n’était pas ma perspective de départ, ni même en entrant au séminaire. Je l’ai découverte à la mine à Montceau, et au Sénégal. J’ai souhaité être prêtre en Afrique…

Ma référence constante dès mon ordination (neuf ans avant le Concile) a été la phrase de saint Paul à Timothée : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à connaître la vérité ». (1 Th 2/4)

A l’expérience, je me suis rendu compte qu’en paroisse à Chalon, et même à Montchanin après la Mission de France, nous étions prisonniers de « la bulle paroissiale », d’un certain bord bien pensant, accaparés par les chrétiens pratiquants. Nous ne rejoignons pas vraiment les autres, les hommes en particulier, les travailleurs manuels moins encore.

Il faut passer en Macédoine, « convaincus que Dieu nous y appelle à annoncer la Bonne Nouvelle ». Ac 16/10.

Cela m’a conduit finalement au travail en entreprise, quand enfin cela a été de nouveau possible. Grâce à Dieu, je m’y suis fait des amis nombreux.

 

Ministère particulier : prêtre-ouvrier

Joie dans l’Eglise ? Témoignage d’un prêtre qui fut prêtre-ouvrier.

Ce qui manque trop souvent dans notre Eglise, c’est d’entendre ceux  qui sont en mission. On  envoie bien de nombreuses personnes en mission. On leur donne même souvent une « lettre de mission » : prêtres « Fidei Donum », diacres permanents, laïcs en mission d’Eglise, sans parler des « nominations » nombreuses, qui sont autant d’envois chaque année. Mais à part la Journée des missionnaires, on se soucie peu de ce qu’ils y font, de ce que ça produit, des fruits qu’en récolte l’Eglise.

Ce faisant, on se prive de la joie, plusieurs fois exprimée dans l’Eglise primitive, d’entendre Paul et Barnabé « raconter tout ce que Dieu avait réalisé avec eux, et surtout comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi » (Ac14,27 ;15,3). Déjà l’Evangile fait écho à la joie des 72 disciples, et de Jésus lui-même, à leur retour de mission : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre… d’avoir révélé cela aux tout petits ! » (Lc 10,17-24)

Je n’ai pas la nostalgie du palmarès annuel du « Denier du Culte », au vu duquel étaient jadis évalués les prêtres en paroisse. Je mesure surtout la difficulté considérable de rendre compte –  sans se vanter – d’une présence prolongée que rien ne justifie apparemment. Elle ne peut guère se chiffrer en « conversions », en baptêmes, en sacrements, en participation à la messe en paroisse. N’est-ce pas perdre son temps, et gâcher son ministère, pour des gens qui « ne nous demandent rien » ? J’ai découvert de façon imprévue cette manière inédite d’être prêtre, avec l’équipe de la Mission de France à Montceau de 1949 à 1954, lors d’un stage à la Mine. J’ai du attendre très longtemps de pouvoir réaliser mon rêve…

Après 17 ans en paroisse et 3 ans d’études à Rome,  j’ai travaillé 19 ans comme manutentionnaire dans un dépôt de matériaux pour le Bâtiment, à défaut d’avoir pu entrer à l’Usine au Creusot. Sans avoir pu du tout le prévoir, j’ai ensuite été élu pendant 6 ans au secrétariat national des prêtres-ouvriers à Paris. A mon retour, étant retraité, j’ai  pu reprendre des études de théologie biblique à Lyon, en étant au service de la Mission ouvrière. Avec une équipe locale, j’anime encore un Parcours biblique annuel pour une dizaine de petits groupes.

Une équipe de prêtres-ouvriers du diocèse existe depuis 1975 dans notre département. Elle a répondu au départ, quoique de façon différente, à l’initiative de Mayeul Morin et au souhait du Père Le Bourgeois en 1971. Elle a été présente jusqu’à la retraite professionnelle dans l’industrie, le bâtiment, le commerce, la santé, les syndicats et diverses associations. Jusqu’à cette année, elle s’est réunie régulièrement chaque mois, et a participé aux rencontres régionales et nationales. Du fait des décès successifs, précédés de très dures épreuves de santé, elle est en voie de disparition. Qui s’en soucie, à plus forte raison en cette période de pénurie ?

Que peuvent faire des prêtres en entreprise et en quartier, sous-employés professionnellement, soumis journellement aux contraintes, à la fatigue et à la déconsidération du travail manuel, à grand peine tolérés par l’employeur, suspects dans un premier temps aux yeux de travailleurs surpris et méfiants ? Il nous arrive parfois de nous demander ce que nous faisons là. Et pourtant nous sommes convaincus que « c’est là qu’il faut être ! » au coude à coude avec les gens ordinaires. Nous ne sommes ni des propagandistes, ni des fantaisistes. Simplement des témoins, et autant que possible des apôtres de l’Evangile.
Comment les gens peuvent-ils croire que Dieu les aime sans avoir fait l’expérience d’être aimés de sa part ? Il n’y a pas d’amour qui ne se prouve par un partage de vie : « Non seulement l’Evangile de Dieu, mais notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers » écrit saint Paul (1 Th 2,8). C’est important d’y être à plusieurs, pour que cela n’apparaisse pas seulement comme notre affaire personnelle, sympathique ou farfelue. Nous y engageons bien plus que nous-mêmes : les copains nous demandent plus d’une fois « si nous faisons encore la messe ? » et « si l’évêque est d’accord ? ».

Ce que nous croyons ne les intéresse habituellement pas, et ils ne supporteraient pas que nous leur fassions la morale. L’Eglise leur paraît si lointaine et si étrangère à leurs soucis, à leurs espoirs et à leurs luttes. Nous pouvons faire nôtre la plainte répétée du psalmiste : « Chaque jour j’entends dire : Où est-il ton dieu ? » (Ps 41,4 ; 78,10 ; 113,2). Mais bien peu refusent que nous nous intéressions à eux sans « chercher à les avoir », ni eux, ni leurs enfants,  ni leur argent. Comme tout missionnaire, il nous a fallu apprendre d’abord la langue, les coutumes, les traditions et les valeurs, de ce peuple nombreux qui ne fréquente pas nos églises. Découvrir l’Esprit à l’œuvre, avant même toute annonce du Christ, et plus encore toute appartenance à l’Eglise.

Il nous a fallu faire nos preuves, gagner lentement la confiance. Prouver que nous n’étions pas des fainéants, témoigner qu’on peut être croyant sans se dispenser d’être militant, et qu’on ne peut séparer la charité de la justice. Devenir des amis sincères, sans pactiser pour autant avec les préjugés, le racisme et le rejet des étrangers, l’immoralité, l’individualisme, le goût de l’argent et des places en vue.

Ce n’est pas indispensable d’être prêtres pour cela. Bien d’autres chrétiens que nous donnent fidèlement et discrètement ce témoignage. C’est même normalement la vocation de tout baptisé conscient. Il n’y aurait probablement jamais eu de prêtres-ouvriers s’il n’y avait eu d’abord la JOC et l’Action catholique. En y engageant non sans réticences quelques-uns de ses prêtres, l’Eglise s’y est engagée comme telle publiquement. Elle y a révélé un visage d’humanité et de proximité, qu’on ne lui connaissait guère. Peut-elle y renoncer  maintenant ou s’en désintéresser ? Nous aurons tout de même eu la chance de vivre ce temps où, comme dit si bien Benoît XVI, il peut être « juste de ne laisser parler que l’amour… Dieu est amour, et il se rend présent dans les moments où rien d’autre n’est fait qu’aimer ».

Paul Bernardin

 

Paroles de prêtres

Père Paul Bernardin

Au départ…

A la sollicitation d’un ami qui s’étonnait de mon parcours « atypique » entre l’université et l’entreprise, j’ai déjà rendu compte de mon choix de vie (1). Pour répondre, avec plusieurs autres prêtres-ouvriers du diocèse, à un appel irrésistible comme celui entendu par saint Paul : « Passe en Macédoine, viens à notre secours ! » Et pourtant en 1954, ce n’était guère le moment !… Les obstacles ne m’ont pas manqué. J’ai dû attendre plusieurs années l’accord de l’évêque, premier responsable de l’évangélisation, pour que ce ne soit pas seulement « mon Affaire ».

Un stage à la Mine de Montceau-les-Mines à l’âge de vingt ans m’a brutalement fait plonger dans un monde inconnu, où l’Église était pratiquement absente et souvent suspecte. C’est pourtant de beaucoup la partie la plus nombreuse de la population, proportion qui n’a fait que s’accroître depuis 1968.

Grâce à Dieu, je découvrais en même temps, après les premiers jocistes et les prêtres-ouvriers de la Mission de France, que, pour ce monde-là, le prêtre doit se refaire « missionnaire ». Recommencer comme à Nazareth et à Corinthe : partager au maximum la vie des gens, apprendre leur façon de s’exprimer, faire preuve de désintéressement, gagner patiemment leur confiance, découvrir ce qu’ils vivent déjà de l’Évangile sans s’y référer. Nous devenons crédibles quand les gens voient ce qu’il peut nous en coûter d’avoir pris un tel risque.

Et maintenant 7…

Si j’avais vécu moins longtemps, je n’aurais jamais su l’impact d’une telle présence, discrète mais bienveillante et solidaire. Elle ne peut être significative à la longue que si l’on est plusieurs à témoigner de la même façon. Dans un monde qui se méfie des discours, les gestes comptent plus que les paroles finalement indispensables. Les liens du quartier, du travail, du syndicat, sont une approche qui ne tient ni de la conquête ni de la propagande. Il faut se faire l’ami, et se compromettre avec ceux qu’on veut évangéliser. Laisser deviner qu’on est porteurd’un secret qui est notre raison de vivre.

Benoît XVI a eu cette affirmation extraordinaire de la part d’un pape : « Le chrétien sait quand le temps est venu de parler de Dieu, et quand il est juste de le taire. Dieu est Amour, et il se rend présent précisément dans les moments où rien d’autre n’est fait sinon qu’aimer ››.

Après avoir depuis longtemps quitté l’entreprise, j’ai dû abandonner peu à peu les responsabilités, autant pastorales que syndicales. Je l’ai fait d’abord volontairement, pour « passer la main » à des plus jeunes, qui puissent prendre le relais. On m’y a poussé aussi localement, en mettant de plus en plus les prêtres retraités à l’écart. J’ai dû m’y résoudre enfin, pour des raisons de santé, en particulier à la formation biblique qui m’a pris beaucoup ces dernières années.

Je ne suis pas fâché d’avoir pu témoigner que faire de la théologie ne dispense pas de travailler de ses mains, à la manière de saint Paul.

(1) Sur des chemins de traverse – L’Harmattan 2007

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