BALORIN Germaine

Gens de l’ombre

Balo ? Pour moi, c’est un sourire immuable qui laisse apercevoir deux canines, un petit nez à la retrousse, le chignon toujours un peu défait, et surtout cette allure mouvante, jeune et rapide, sans répit, tes sandales de cuir, ta sacoche à la ceinture, tes lunettes cerclées d’or, ton air émerveillé.

Pourtant, il y a bien longtemps que je ne t’ai pas vue.
C’est vrai que mon enfance est bien loin, mais pourtant toujours bien présente.
Mon enfance, c’est ma famille, la rue du Guidon, les bords de Seille.
Mon enfance, c’est tout autant le Patro et Balo, les Ames Vaillantes, et Balo.
Mon enfance, c’est La Chaux-des-Crotenay et Balo.

Souvenirs d’enfance : au Patro, les films de Charlot dans la grande salle de l’Etoile sur les bancs, les garçons d’un côté, les filles de l’autre et la chaleur, l’agitation, le bleu et le gris de nos vêtements et le bruit de nos galoches ; et Balo qui essayait et arrivait à faire faire silence.

Souvenirs d’enfance : c’est une petite insigne, je me rappelle, bleue quand j’étais avette, orange quand j’étais souriante, verte quand j’ai été rayonnante et rouge quand j’ai été conquérante. Toutes ces décorations étaient cérémonieusement données par Balo qui les accrochait à nos bérets. Je ne me souviens plus du pourquoi de ces insignes, mais je sais qu’elles avaient à voir avec ce qu’on vivait avec les autres, les copines, nos parents et l’Eglise.

Souvenirs d’enfance, ce sont les sorties au château de la Griffonnière, ou à la montagne des sœurs, c’est aussi ces merveilleux spectacles que tu montais une fois l’an, en parfaite chorégraphe.
Souvenirs d’enfance, c’est surtout La Chaux-des-Crotenay.

Nous sortions depuis peu de la guerre, c’est pourquoi La Chaux est emprunte de souvenirs de drapeaux, avec la levée des couleurs, et des chants patriotiques : « Je t’aime oh ! Ma patrie, vers les cieux vont lever les couleurs ».

Un carré bien fait autour du mât, et toi Balo, exigeante, sévère qui demandait la perfection, qui voulait que l’uniforme et la tenue soit parfaits. Période qui bien sûr nous paraît maintenant désuète et surannée. Mais derrière ces attitudes, ces mots, c’était les valeurs de liberté retrouvée, et de respect que nous proclamions.

La Chaux-des-Crotenay, c’est aussi la messe du dimanche dans l’église pleine à craquer avec ses merveilleuses couleurs que le soleil faisait jouer à travers les vitraux, avec Balo qui montait et descendait l’allée. Nous allions aussi fleurir avec toi « Notre-Dame de Gy » avec des reines des prés, des scabieuses, des fougères dans les grosses boites de conserve.

La Chaux, c’était les histoires extraordinaires que tu créais et qui nous rassemblaient le soir dans la salle de jeux ; nous tremblions et à ce moment, il n’était pas besoin de demander le silence, le suspens créait l’émotion, la peur, mais pourtant le désir « d’encore plus. »

Je garde bien sûr en mémoire, le grand jeu de nuit qui ponctuait toute colo, avec les prises de foulards ; nous savions que ce n’était qu’un jeu, mais nous avions envie d’y croire, dur comme fer. La Chaux c’était plus tard, au temps de l’adolescence, les grandes balades, les découvertes du lever du soleil, le coucher sous la tente.

C’était plus tard les camps à Entre-deux-Monts, et d’autres camps plus loin.
C’est toi qui m’a permis de découvrir la montagne, Brisons, La Toussuire, Villarembert. Tu nous as fait découvrir aussi le sens à donner à nos vies.
Tu m’as poussée à entrer à la JOC, c’était la suite logique.

Tout ce qui faisait mon enfance a mûri, et m’a aidée à construire ma vie, ma vie dans le quartier, ma vie au travail.
J’ai grandi, je suis partie de Louhans, mais tout ce que par toi j’ai reçu m’a conduit aux choix et aux engagements qui font ma vie aujourd’hui.
Le temps passe, il me revient souvent ces phrases sans doute répétées de nombreuses fois pour qu’elles me soient si présentes : Ame Vaillante, le sourire toujours, l’Ame Vaillante est ardente au travail comme au jeu, l’Ame Vaillante n’a pas peur du sacrifice.

Pour moi, tu symbolises toutes ces valeurs, et si je ne sais plus ce que c’est d’être avette, à coup sûr tu as marqué plusieurs générations de Louhannais en étant souriante, rayonnante et conquérante.

Avec simplicité, tu as été une grande dame. Merci Balo.

23 août 2008

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