Monastère des Dominicaines à Paray-le-Monial

L’Ordre dominicain ou Ordre des prêcheurs n’est en général pas associé à la vie monastique. Et pour cause : les frères prêcheurs ne sont pas des moines, vivants dans un monastère, mais des prédicateurs, menant une vie commune dans leur couvent certes, mais apostoliques, appelés de ce fait à une forme d’itinérance.
Néanmoins, notre Ordre compte nombre de monastères de moniales, de par la volonté explicite de son fondateur,
Notre Père saint Dominique. Ce chanoine espagnol, qui vécut à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe, consacra plus d’une décennie de sa vie à prêcher dans le Languedoc, c’est-à-dire en plein pays cathare afin d’y faire resplendir la vérité de l’Évangile face aux erreurs et hérésie en lesquelles se perdaient les âmes. Sa parole de feu, nourrie par sa prière ardente, convertit quelques femmes cathares pour qui il fonda, fin 1206, un monastère, à Prouilhe près de Carcassonne : ce fut la première communauté constituée du futur Ordre des Prêcheurs, approuvé par le Pape en 1217. Cette primauté chronologique des moniales au sein d’un Ordre voué à la prédication itinérante reflète le primat de la contemplation et de la prière dans tout apostolat. « Contemplare et contemplata alliis tradere», contempler et transmettre aux autres le fruit de la contemplation : ceci résume en une formule la vie de saint Dominique, qui consacrait ses nuits à la prière et le jour au prochain devant lequel il témoignait du Christ. Les frères qui l’ont épié pour connaître le secret de sa prière, l’entendaient implorer : Mon Dieu, ma Miséricorde, que vont devenir les pécheurs ? Cri jailli d’un cœur pur, percevant avec une acuité douloureuse la blessure du péché qui sépare de Dieu et ne se résolvant pas à ce que des hommes se perdent ; un cœur qui, dans une contemplation prolongée, se formait à l’image de celui de son Maître divin. C’est dans ce désir brûlant du salut des âmes que se trouve la source profonde de notre Ordre, tout entier finalisé par le service de la Parole divine en son intégrité, afin que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité (2 Tm 2,4).
02MonialesParayDès lors, on comprend notre place de moniales auprès de nos frères, mais aussi auprès des nos sœurs apostoliques et des laïcs dominicains : Aux frères, aux sœurs et aux laïcs de l’Ordre de proclamer par le monde la Bonne Nouvelle du Nom de Notre Seigneur Jésus-Christ ; aux moniales de le chercher, de penser à lui, de l’invoquer dans le secret afin que la Parole qui sort de la bouche de Dieu ne lui revienne pas sans fruit, mais accomplisse en plénitude ce pour quoi il l’a envoyée (Constitution fondamentale de l’Ordre). Les monastères ne sont pas la branche contemplative de l’Ordre ; la contemplation, cette quête amoureuse de Dieu qui vient à nous, ne saurait leur être réservée. Comme les autres membres de l’Ordre, nous recherchons Dieu dans le silence et la prière, dans l’étude et dans la vie fraternelle, dans la solitude et dans l’amour, vouées toutes entières au service de la Parole que nous méditons, étudions, célébrons, partageons, vivons.
Avec tous nos dons de cœur et d’esprit, nous suivons les traces de Dieu, ce Dieu qui le premier nous a aimés et trouvés. Mais par notre vie tout entière façonnée par la recherche de Dieu, nous rappelons que c’est du silence de la prière que jaillit la parole prêchée. La vocation d’une moniale est «un rappel pour tout le peuple chrétien de la vocation fondamentale de chacun à la rencontre avec Dieu»(Verbi Sponsa 4). «Vous n’êtes pas entrées au monastère parce que vous y avez fui le monde mais parce que vous avez la hardiesse de ne pas fuir Dieu»,
écrivait à ses sœurs moniales le frère Thimothy Radcliffe. Nous ne prêchons pas comme nos frères, mais par le témoignage de notre vie, de notre prière, particulièrement liturgique, par les rencontres que nous pouvons faire. Si tout l’Ordre est contemplatif, il est aussi apostolique, au sens de l’annonce de la Parole : même si nous vivons cloîtrées, nous sommes missionnaires au sens où nous vivons notre vie comme venant de Dieu et pour lui.
A Paray-le Monial, nous sommes les héritières de nos premières sœurs et de leur mission. Notre communauté d’une quinzaine de sœurs, de 33 à 95 ans, est présente en ce lieu depuis le 16 octobre 1929, date à laquelle les premières sœurs venant du Pays Basque choisirent d’arriver. Cette nouvelle implantation était le fruit de la prière instante d’une jeune moniale qui portait en son cœur le désir d’une fondation en l’honneur du Sacré-Cœur et de l’intuition qu’un dominicain eut en célébrant à l’autel de sainte Marguerite-Marie : que des moniales dominicaines soient présentes auprès du Cœur de Jésus afin d’y méditer les mystères du Rosaire à son école et en le contemplant. Le Rosaire, cette contemplation simple et aimante, avec la Vierge Marie, des mystères de la vie du Christ, fait partie intégrante de la spiritualité de l’Ordre. Le méditer en ce lieu où le Seigneur a montré son côté ouvert, c’est humblement demander que cette prière nous conduise toujours plus à comprendre les secrets de ce Coeur qui nous nous a tant aimés et n’a rien épargné pour nous sauver et nous offrir cette communion bienheureuse avec Dieu. Et à en rendre témoignage autant que nous le pouvons afin que les hommes ne passent pas à côté de ces trésors divins de charité. Nous sommes heureuses de pouvoir le faire, à notre mesure, une communauté parmi bien d’autres, dans cette ville et ce diocèse, particulièrement pendant cette année de la Vie Consacrée, qui prépare pour nous la célébration des 800 ans de la fondation de l’Ordre, en 2016.

Sœur Marie de l’Esprit Saint (2015)

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