MORIN DE FINFE Mayeul

Prêtre

1931 : Né le 3 juillet à Paray-le-Monial
1931 : Petite enfance à Paray-le-Monial : c’est là que mon père travaillait comme rédacteur du Journal « Le Réveil du Charollais », journal alors très relié au diocèse, et devenu depuis « La Renaissance ».
A cette époque, beaucoup de prêtres passaient à la maison, pour rencontrer mon père, en particulier le chanoine de Saiserey, chargés des œuvres diocésaines
1939 : Domicilié à Ameugny, là où une partie de ma famille a ses racines, un village auquel je reste très attaché. C’est là que j’ai été très marqué par l’épopée de la Résistance, dans laquelle mon frère aîné se trouvait engagé avec le bataillon du Charollais. Il fut tué au combat en 1944, à l’âge de 18 ans. Pour ma part, j’ai assisté de très près au bombardement de Cluny par l’aviation allemande, le 10 août 1944
1944 : Scolarité au petit séminaire de Rimont qui ne se trouvait pas très éloigné de mon lieu de domicile. Le supérieur était alors le chanoine Merle
1947 : Classe de seconde au collège de Mont-Roland à Dole du Jura (tenu par les pères jésuites)
1948 : Classe de 1re au collège Saint-Paul, à Lens
C’est là que j’ai été très marqué par la grande grève des mineurs qui a duré plusieurs mois dans ce bassin minier du Pas-de-Calais
Ce fut pour moi une expérience très forte
1949 : Classe de terminale à l’institution Saint-Lazare à Autun
1950 : Entrée au grand séminaire de Paris à Issy-les-Moulineaux, pour deux années de philosophie. Dans mon année, nous étions environ 110 séminaristes, beaucoup venant de province
1952 : Service militaire, à Saumur, puis en Allemagne
1953 : Retour au séminaire d’Issy, pour une première année de théologie
J’ai fort apprécié ces années de séminaire, où se vivait une grande ouverture sur le monde et sur la mission de l’Eglise (Mission de Paris, et mission de l’Eglise universelle : il y avait près d’un tiers d’étrangers parmi les séminaristes). C’est à ce moment-là, suite a une insertion en paroisse, que j’ai découvert la place de la J.O.C. : ce fut une révélation pour moi de découvrir ainsi des jeunes devenus vraiment responsables de leur mouvement, prenant la parole dans l’Eglise. Je connaissais aussi un jésuite devenu prêtre ouvrier dans le 13e arrondissement : le Père Lacan, ancien aumônier du Bataillon du Charollais pendant les années de guerre. Avec les professeurs du séminaire et beaucoup d’autre autour de moi, nous avons vécu douloureusement le moment où le cardinal Feltin est venu nous annoncer en pleurant la décision romaine concernant l’arrêt des prêtres ouvriers.
1954-1955 : Maladie (tuberculose) et séjour au Sanatorium du clergé, à Thorenc (Alpes Maritimes)
1956 : En janvier, retour au Séminaire à Paris cette fois-ci dans la Maison des Sulpiciens rue du Regard, dans le 6e arrondissement
1957 : Ordination le 29 juin à Notre-Dame-de-Paris reçue des mains du cardinal Feltin
Nous étions plus de 70 à être ordonnés prêtres en même temps : une autre époque !
Et c’est le retour dans le diocèse d’Autun : dans le cadre d’un dialogue avec l’évêque, le Père Lebrun j’avais par lettre conditionné ce retour à l’engagement du diocèse à ne jamais m’affecter à un ministère de prêtre-professeur dans l’un ou l’autre des établissements scolaires du diocèse, une affectation qui était relativement fréquente à l’époque. Le Père Lebrun en fut d’accord, et cet engagement de l’évêque me servit une fois pour refuser une affectation qui m’était proposée par son Conseil.
1957 : Vicaire à la paroisse Notre-Dame, à Autun
le curé était le chanoine Couette, l’autre vicaire étant Marcel Picardat. Puis, après l’unification des deux paroisses, la Cathédrale et Notre-Dame je devins vicaire des paroisses unies, avec par la suite la charge plus particulière de la Cathédrale avec résidence dans l’ancienne cure de la Cathédrale
A ce moment, il y eut aussi avec nous, dans l’équipe de prêtres, entre autres, Maurice Level, René Girard
A cette cure de la Cathédrale j’ai cohabité durant ces années-là avec le Père Deshaires, vicaire général et aussi avec le père Camille Biot, alors supérieur de Saint-Lazare, mais qui tous les deux avaient leur appartement privé dans la maison, une présence qui pour moi fut très positive.
Durant ces années au service des paroisses autunoises j’étais aussi chargé d’assurer l’aumônerie du pensionnat du Saint-Sacrement, puis l’aumônerie du lycée Bonaparte. En plus de la J.O.C., je suis devenu également aumônier du secteur A.C.O. d’Autun, et aumônier du district des Guides de France Autun-Le Creusot. Somme toute un ministère assez varié pour l’époque !
1966 : Appelé à faire partie de l’équipe des aumôniers diocésains, alors animée par le Père Deshaires, vicaire général. Là j’ai assuré les fonctions d’aumônier diocésain de l’A.C.O., de l’A.C.M.S.S., des Guides de France. Avec les autres aumôniers diocésains (en particulier Pierre Bouthière, Louis Bouard, Hubert Robert, Daniel Charpiot, Pierre Calimé, Fernand Michel, Marcel Collaudin, et j’en oublie) j’ai résidé d’abord dans les locaux de la rue de l’Arquebuse, à Autun (on nous appelait les arquebusiers), puis à la Maison Saint-Antoine. C’est dans ce cadre que j’ai eu le privilège de participer aux fameux « Congrès balladoires », animés entre autres par Jean-Marie Fernez, lui-même ancien aumônier diocésain.
En outre, à partir de 1968, et jusqu’en 1983, j’ai fait partie du Conseil de Mgr Le Bourgeois, comme délégué épiscopal pour la Mission Ouvrière. Ce temps de collaboration avec le Père le Bourgeois, vécue dans une confiance réciproque, fut pour moi une période très enrichissante pour mon ministère.
1982 : Envoyé sous la responsabilité de la Mission Ouvrière pour « un travail de défrichage et de fondation » (A.C.O., et J.O.C.) sur la zone pastorale de l’Arroux-Loire, avec . résidence dans la cure de la paroisse Notre-Dame à Digoin, en compagnie de Gérard Bodelin, le curé des lieux, et de Maurice Guénard, desservant Saint-Agnan, Chalmoux, et autres lieux. Ce fut aussi pour moi un temps de collaboration forte avec Emile Duhesme, le vicaire épiscopal territorial qui résidait à Paray, également avec Pierre Monveneur, curé de Sainte-Marguerite à Paray, Paul Delphin, curé de la Briérette, à Digoin
1985 : « Envoyé à plein temps pour le service de la Mission Ouvrière dans le Bassin Minier et le sud-ouest du département », avec résidence à Montceau, dans les locaux de l’aumônerie, 40,rue de Gourdon, que je partage d’abord avec Nicolas Goury, puis avec Dominique Auduc. Le 14 octobre 1986 : nommé prêtre-coordinateur du secteur de Mission Ouvrière du Bassin Minier, en équipe avec deux laïcs, André et Madeleine Vulin. Pour moi, ce fut aussi un temps de collaboration forte avec le vicaire épiscopal de la zone, Jean-Noël Devillard
2008 : Autorisé à entrer en retraite, avec une lettre du vicaire général, Georges Auduc, qui me précise : « Même à la retraite, nous restons des pasteurs, des serviteurs, et des témoins »
2010 : Domicilié dans la résidence des Peupliers à Montceau-les-Mines
2016 : Décède le 14 novembre

Quelques réflexions qui m’habitent :

La fécondité d’un travail avec des laïcs : un véritable partenariat, à vivre en situation d’égalité, dans la complémentarité et le respect de la vocation spécifique de chacun. Pour moi, il a là quelque chose de fondamental que j’ai eu la chance d’expérimenter profondément :

– fécondité pour que se vive vraiment la mission de l’Eglise dans le monde…Mais aussi nécessité pour assurer l’avenir de l’Eglise, son existence, demain alors que le nombre des prêtres s’annonce encore moins important.

– fécondité également pour le ministère presbytéral lui-même : Je peux dire que je me suis construit peu à peu comme prêtre grâce à des laïcs rencontré sur ma route, avec lesquels j’ai partagé beaucoup de responsabilités. Je pense davantage à deux couples responsables pour les Guides de France, à de nombreux militants d’A.C.O., dont je pourrais encore citer tous les noms, ainsi qu’à des professionnels du monde de la santé responsables de leur mouvement, l’A.C.M.S.S.. Ils ont vraiment contribué à me faire grandir comme  prêtre.

La place du Concile : ce moment du Concile, je l’ai vécu comme jeune prêtre. Dès lors, l’ensemble de mon ministère a été irrigué, dynamisé par l’espérance et la sève venues de Vatican II, depuis le jour de son annonce le 25 Décembre 1961,  par le pape Jean XXIII. Ce Concile, avec beaucoup d’autres, je l’attendais, je l’espérais,  plus ou moins consciemment. Témoin aussi bien durant mon temps de formation à Paris que dans la vie de notre diocèse, d’une somme incroyable de recherches missionnaires passionnées, d’approfondissements théologiques se faisant jour dans la foulée des Pères Congar, Chenu et bien d’autres, je pensais presque naturellement que tout cela ne pouvait pas rester sans suite.

Alors, pour moi, les frontières de l’Eglise se sont élargies, j’allais dire enfin, avec la Constitution sur l’Eglise, et celle sur l’Eglise dans le monde de ce temps. Parlant des baptisés associés dans leur vie quotidienne au mystère pascal, le Concile ajoute ceci : «Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais pour tous les hommes de bonne volonté dans le cœur desquels invisiblement agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une manière que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal » (G.S., 22/5). Cette Bonne Nouvelle a illuminé tout mon ministère, et est venue donner sens à mon immersion fréquente dans le monde de ceux que l’on dit « non-croyants ».

Aujourd’hui, à l’âge de la retraite, selon les indications données par Georges Auduc, avec les quelques forces qui me restent, j’essaie de rester encore un peu témoin de cette « action du Christ » au milieu des hommes et des femmes avec lesquels je vis en proximité, cherchant à partager comme je le peux « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses  des hommes de ce temps, des pauvres surtout, et de tous ceux qui souffrent » (G.S., 1)…Il y a là toujours des appels à entendre, même à travers de petites choses,  et j’ai fait mienne cette prière que l’on trouve dans l’hymne liturgique de None : « Seigneur dans l’aujourd’hui de tes appels, prépare en moi le face à face ».

C’est vrai, comme d’autres chrétiens autour de moi, je ne suis pas toujours heureux de certaines évolutions constatées dans l’Eglise aujourd’hui, mais je garde tout à fait l’espérance, ma foi me disant que Dieu n’abandonnera jamais son Eglise.

Et je pense souvent à mes frères prêtres : j’ai cité plus haut les noms de nombreux  prêtres du diocèse rencontrés au long de mon ministère, et qui m’ont beaucoup apporté, j’aurais pu en citer encore beaucoup d’autres, que je n’oublie pas. Je redis ici mon attachement au clergé diocésain parfois un peu méconnu, mon admiration pour beaucoup de prêtres qui, sur le terrain, font tout un travail au quotidien, vécu souvent dans la proximité avec des gens, et ceci dans des conditions devenues souvent très difficiles, je dirais même parfois inhumaines. J’ai eu en plusieurs occasions à défendre la cause du clergé diocésain, comme un bien précieux dans l’Eglise, en des circonstances où il y avait des décisions à prendre pour notre diocèse, et je suis heureux de pouvoir le dire !

Décès du Père Mayeul Morin de Finfe

Le Père Mayeul Morin de Finfe est décédé le lundi 14 novembre 2016 dans sa 86e année et 60 ans de sacerdoce. Les obsèques ont eu lieu le samedi 19 novembre 2016 à quatorze heures trente en l’église d’Ameugny suivies de l’inhumation au cimetière. Sa famille ainsi que des représentants du diocèse étaient présents pour lui rendre un dernier hommage.

11 ans de vie commune par Dominique Auduc

11 ans de vie commune mais aussi de travail commun, de partage, d’amitié, ça marque !
Ça marque un jeune prêtre qui débute et je dois tant de choses à Mayeul !
Ça marque aussi la patience du vieux sage qu’était Mayeul obligé de me supporter !
Merci Mayeul de m’avoir accueilli comme un père qui a le souci d’éduquer et de former mais surtout le souci de témoigner, de transmettre sa foi aussi bien en débat d’idées qu’en vie quotidienne.
Merci Mayeul de m’avoir accueilli aussi comme un frère dans une véritable paternité, égalité….. ensemble : nous étions prêtre dans la même pastorale !
Il y a une foule de petits détails partagés ensemble qui me reviennent, j’ai envie d’en prendre quelques-uns pour illustrer comment dans ta vie tu as été serviteur. On l’a chanté tout à l’heure, ce magnificat où Marie est l’humble servante, tu l’as vécu aussi, ce texte tu l’as illustré. Tu t’es fait serviteur dans ton ministère et ta vie.
Alors un 1er souvenir, à l’époque où je pouvais partit faire 4 camps l’été entre l’aumônerie, la JOC et l’ACE, ta manière de servir ces camps c’était de faire fonctionner ta carte de relation pour les inscriptions, d’aider au chargement déchargement du camion ou tout simplement de remplir le frigo pour qu’au retour avec les animateurs on puisse boire un coup bien simplement. Parfois tu restais avec nous, parfois tu t’éclipsais discrètement, dans ta finesse tu savais évaluer ce qui était le mieux.
Serviteur et attentif à l’ensemble des jeunes qui venaient dans leur grande diversité, tu savais les accueillir, les connaitre et les comprendre, tu savais aussi prêter ton matériel de pancartes, feutres, porte voix au moment des manifs de lycéens.
Serviteur aussi dans de nombreux débats : entre prêtres, ou avec les copains militants ou tout simplement toi et moi, tous les deux, le matin au café, débat sur les événements du monde, la politique, l’économie, les grèves et les conflits sociaux mais débat sans idéologie mais avec plein de présupposés philosophique.
Tu savais apporter ton analyse bien simplement sans forcer, sans chercher à convaincre… chercher à convertir, au sens noble du mot, certainement, mais toujours dans le respect de l’autre.
Serviteur aussi car après une réunion on pouvait en reparler, partager, les plus jeunes auraient dit « faire un débriefing », les plus anciens disent « faire relecture » ou faire son auto-critique. Peu importe me mot tu savais voir les situations et le monde avec un profond réalisme et une véritable espérance ce qui faisait de toi un authentique militant toujours tourné vers l’avenir engageant l’action dans le temps.
Serviteur de la mission ouvrière et de l’action catholique spécialisée, ça peut sembler évident mais pour toi c’était aussi prendre le risque d’être parfois incompris par quelques-uns. Je me souviens d’un de tes souvenirs comme jeune prêtre et d’aumônier JOC, tu me l’as souvent raconté : tu me disais donc : quand ‘étais jeune prêtre ça ne plaisait pas à mon curé que je fasse de la JOC, alors quand il y avait une réunion mon curé fermait la porte du presbytère à clef en laissant la clef dans la serrure et je ne pouvais alors pas rentrer. Je m’étais installé un matelas dehors dans la cabane où l’on mettait les vélos et je passais la nuit là.
Ce que je trouve admirable dans ce récit de militantisme c’est que Mayeul me l’a toujours raconté avec un profond respect de son curé et même avec un brin d’amusement et de fierté, et avec le gout d’une certaine nostalgie.
Je profite de ce souvenir pour dire que tu avais un profond amour de l’Eglise, un véritable respect de l’autorité ecclésiale, sachant dire ton désaccord, parfois vigoureusement, mais toujours dans l’amour et le respect de l’Eglise et toujours en restant en communion avec l’autorité épiscopal, avec le presbyterium et avec le peule de Dieu qui t’étais confié.
Tu croyais profondément à la vocation de chaque baptisé ; c’est-à-dire que chaque chrétien a sa place à tenir dans l’Eglise et en même temps tu croyais profondément à la vocation de prêtre ayant monté et fait vivre très longtemps une antenne vocation sur le bassin minier.
Mayeul , tu as choisis ce texte du magnificat, «déployant la force de son bras il disperse les superbes, il renverse les puissants de leu trône, il élève les humbles, il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides » texte fort, révolutionnaire, dans lequel certainement tu fondais tes convictions, ta foi et ton action de pasteur pour mener le beau combat de la foi, de la fraternité, de la justice, de la paix, combat qui doit aller jusqu’à la transformation sociale pour qu’enfin vive la justice annoncée par les prophètes et par le christ « la bonne nouvelle annoncée aux pauvres, la libération aux captifs une année de bienfaits par le Seigneur »
Le texte du magnificat avec ces mots «Dieu se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères en faveur Abraham et de sa race à jamais » sont les mots de la fidélité de Dieu, fidélité de Dieu que tu as repris avec « l’Action Catholique Ouvrière » je cite Nous ACO nous voulons vivre la double fidélité à Jésus-Christ et à la classe ouvrière.
C’est cela la fidélité de l’ACO et c’était cela la fidélité de Mayeul.

Dominique Auduc

Hommage à Mayeul par Marie-Odile Fabre

Avant de partir, Mayeul nous a laissé des traces de sa vie, de son engagement, des expressions de foi, ce qu’il veut nous transmettre ; c’est cela que nous voudrions partager maintenant avec vous tous et tous ceux qui ne peuvent pas être là ; comme un temps d’amitié et de prière.
Relisant l’histoire de sa vie et de son Ministère de prêtre, Mayeul écrivait en 2008 : « mon engagement au service du monde ouvrier, je ne le vois pas comme le résultat d’options personnelles mais comme l’aboutissement de toute une succession d’événements vécus grands ou petits, de personnes rencontrées durant l’enfance et la jeunesse, avant même d’être prêtre.
C’était comme de petits clins d’œil de Dieu, m’invitant à aller plus avant au large. »
Mayeul a été façonné par la vie, d’abord par ses parents qui, par leurs propres engagements, la richesse de leurs discussions partagées, l’ont ouvert à la vie et à l’amour du monde.
A Ameugny, où il habitait avec sa famille ; à la messe, il n’y avait qu’un seul homme, son père !
Première question pour l’enfant qu’il était : où sont donc tous les autres, ceux qu’il rencontrait chaque jour dans la vie ?
En 1939-40, un dimanche d’hiver, les paroissiens attendaient le curé de Flagy pour la messe. Il n’est jamais arrivé, il était mort d’épuisement sur la route, à côté de sa bicyclette ! Pour lui , cette image d’un curé de campagne de l’époque, donnant sa vie jusqu’au bout, l’a profondément marqué : elle a été à l’origine de son attirance pour le clergé diocésain.
Puis la période de la guerre avec la Résistance, sa famille y était fortement impliquée, sous des formes diverses….son frère aîné a été tué à 18 ans, dans une action contre les Allemands. Il a alors côtoyé de près ou de loin des hommes et des femmes qu’il a admirés, pour la force de leurs convictions, leur engagement pour une libération jusqu’à donner leur vie pour cela.
En 1948, à 17 ans, il est scolarisé à Lens dans le Nord, très loin de sa famille.
C’est alors le début de la très grande grève des mineurs qui durera 5 mois.Presque tous ses copains de classe étaient concernés par un père mineur, que ce soit comme ingénieur ou ouvrier.
Il a alors découvert à travers ces événements de lutte, des valeurs qui lui étaient inconnues, des formes de solidarité étonnantes, un sens de l’homme, un sens de la vie tout nouveau pour lui….
Ce sont aussi des personnes avec lesquelles il a travaillé, qui l’ont marqué :
Le Père Lacan, un jésuite, devenu prêtre ouvrier à Ivry.
Félix Lacambre, un ouvrier devenu journaliste à La Croix, l’un des quelques laïcs fondateurs de l’A.C.O. en France et le 1er secrétaire général de ce mouvement, l’Action Catholique Ouvrière.
Mayeul a été ordonné prêtre le 29 juin 1957 à Paris.
Revenant dans le diocèse d’Autun, il a vécu une grande partie de son Ministère au service de la Mission ouvrière : l’Action catholique des enfants, la Jeunesse ouvrière chrétienne et l’Action catholique ouvrière mais il a aussi été, pendant de longues années, aumônier diocésain des Guides et Scouts de France et de l’Action catholique des milieux sanitaires et sociaux. (ACMSS).
En retraite depuis 2008, il a gardé jusqu’au bout, ses enracinements, tant dans la vie à Montceau que dans la vie de l’Eglise.
Mayeul était un homme de convictions.
Ecoutons en quelques unes qui l’habitaient , forgées par ses engagements humains et tous ses dialogues et partages avec une multitude d’hommes , de femmes, d’enfants. Nourri aussi par sa foi en Dieu et son ministère de prêtre .
Face à l’individualisme débridé qui grandit partout aujourd’hui, je dis : non à l’individu coupé des autres, mais oui à la personne, oui à chaque personne. Je crois que l’on ne devient homme et « homme debout » qu’à travers les liens tissés avec les autres et en s’engageant dans la vie sociale , en s’ouvrant aux dimensions de l’humanité.
On n’est jamais homme tout seul. L’évangile ne fait que nous rappeler cette exigence radicale liée à notre condition d’homme : « tous frères », il n’y a pas d’étrangers.
Je crois urgent que les chrétiens prennent leur place avec d’autres, dans les débats qui habitent notre Société d’aujourd’hui ; il y va de l’avenir de l’humanité comme de l’avenir de la foi.
Je crois plus que jamais, que l’Eglise, les chrétiens, nous sommes appelés à être présents partout où se vivent des combats, des actions grandes ou petites, des attitudes pratiques, visant à créer davantage de solidarité, davantage de fraternité dans notre monde pour un « mieux vivre ensemble ».
Prêtres- laïcs, il me semble que ce n’est jamais tout seul que l’on peut témoigner de Jésus-Christ mais ensemble.
Avant de partir, il nous a aussi laissé ses merci et sa prière à Dieu.
Merci à mes parents, mes frères et sœurs, mes neveux et nièces pour les liens très forts et très riches.
Merci aux nombreux « laïcs » rencontrés au long de toutes mes années de Ministère :
nous avons cheminé ensemble, nous avons cherché ensemble, nous avons cru ensemble. Beaucoup de ces laîcs rencontrés, en église ou hors église, ont contribué à me construire comme homme et comme prêtre.. Je pense en particulier à ces nombreux militants qui, si souvent, ont fait mon admiration.
Merci à mes frères prêtres diocésains en Saône et Loire. Beaucoup d’entre eux ont été pour moi des repères importants dont j’avais besoin.
Mon merci va aussi à Dieu qui, à travers des circonstances diverses et nombreuses, a permis que je vive ce Ministère particulier qui a été le mien, au service de la Mission ouvrière. Ce fut pour moi une grâce qui m’a permis peu à peu de comprendre, de voir concrètement comment les plus pauvres, les plus démunis, les plus défavorisés étaient bien les premiers dans le Royaume de Dieu.
Ces temps derniers, j’ai eu la grâce de mieux réaliser tout l’amour de Dieu qui nous est révêlé quand nous regardons Jésus-Christ : amour gratuit parce que vrai et total.
Oui, je crois en un Dieu Amour.

Marie-Odile Fabre

Mayeul, nous montre le chemin…

MORINMayeulMayeul, tu demeures pour moi un grand frère, un ainé, un témoin, un militant toujours à l’écoute, toujours disponible et engagé avec les militants humanistes, qu’ils soient athées, en recherche ou croyants, mais aussi à tous ceux qui étaient dans la précarité.
Tu as donné ta vie pour tant d’enfants, de jeunes, d’adultes, de familles. Tu nous as montré que la solidarité pour se montrer inventive et efficace devait prendre le chemin des organisations syndicales, politiques, associatives. Très nombreux furent tes amis militants ouvriers croyants en l’homme. Au milieu de nous tu nous as appris à aimer la vie, passionnément. Ton ennemi c’était l’individualisme, le chacun pour soi, le système D., l’exploitation de l’homme par l’homme.
Toujours à l’écoute, tu en as gratté des pages et des pages de cahier avec plein de paroles soulignées en rouge….
Plusieurs fois tu nous as parlé de ces camps de jeunes, que tu as animés en Allemagne, de ces rencontres entre jeunes allemands et jeunes français, suite à la seconde guerre mondiale et la défaite des nazis. Tu avais conscience de participer aux premiers pas de la réconciliation franco-allemande.
J’ai pu observer combien tu dialoguais avec bienveillance avec chaque prêtre, y compris ceux qui avaient une vision de la pastorale très différente de la tienne.
Et en même temps, combien durant tout ton ministère tu as été ardent à faire confiance aux laïcs, à collaborer avec les chrétiens, dans une confiance totale. …
Tu as déployé une étonnante capacité d’analyses des situations. Tu étais à la fois militant, historien, philosophe, bibliste, théologien, pasteur. Tu nous as aidés bien souvent à comprendre les mouvements profonds, les évolutions de la société et de l’Église.
Tu as aimé l’Église. Pour toi l’Église c’est une Église qui écoute, qui dialogue, qui sort de ses murs… qui ose aller vers… une Église des périphéries, une Église qui s’engage. Tu as toujours cru aux mouvements de laïcs : ACO -JOC-ACO… mais aussi ACMSS (avec les travailleurs de la santé et du secteur social) ACI (avec les responsables des milieux indépendants)… Une Église qui invite, qui distribue des tracts, qui célèbre, qui organise des partages, où les membres acceptent de se former, de s’engager. Tu as toujours respecté les laïcs et les prêtres engagés dans les paroisses, car pour toi l’Église est diverse.
Tes repères étaient très clairs. Fidélité à l’humain, aux vrais besoins de toute femme, de tout homme. Fidélité à la Parole de Dieu, exprimée depuis la Bible jusqu’à aujourd’hui. Fidélité à la doctrine sociale de l’Église. Fidélité à la prière, aux célébrations, aux sacrements. Foi inébranlable en Jésus de Nazareth premier né d’entre les morts.
Je me souviens des journées de formation que tu as animé abordant le thème de la résurrection ou d’autres thèmes absolument centraux de la foi des chrétiens comme celui du pardon.
La mort n’était pas pour toi une angoisse. Tu y étais prêt. Tu savais qu’une vie nouvelle t’attendait. Je crois que tu continues à nous donner La Vie.
Le père Mayeul Morin nous a quitté le lundi 14 novembre désormais il veille et prie pour nous près du dieu d’amour qui a inspiré et dynamisé toute sa vie.

Jean-Noël Devillard – La Mission Ouvrière

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